jeudi 19 février 2015

En réaction au texte du professeur Marc Simard intitulé "Un choix de société ?"



Le 24 avril 2012, le professeur Marc Simard a publié à cyberpresse.ca un texte intitulé "Un choix de société ?". Dans ce texte, le professeur d’histoire au collège François-Xavier-Garneau à Québec fait l’affirmation péremptoire suivante : 

« Contrairement à ce que plusieurs prétendent, les gens qui ont créé notre système d’éducation en 1963-1964 n’ont jamais voulu un système gratuit de la maternelle à l’université, la fréquentation de cette dernière étant payante dans leur esprit. D’ailleurs, aucun hurluberlu n’a réclamé la gratuité à cette époque ni dans les années suivantes » (les caractères gras sont de nous).
Source : Marc Simard, « Un choix de société ? » Cyberpresse (24 avril 2012) en ligne : « http://www.cyberpresse.ca/debats/vo... » et « http://www.vigile.net/Un-choix-de-s... ».

En tout respect, cette assertion est HAUTEMENT CRITIQUABLE.

En 1963, le professeur de droit Jacques-Yvan Morin, et ancien ministre de l’Éducation de 1976 à 1981, affirmait ce qui suit :

« À la suite de la publication toute récente de la première partie du rapport de la Commission d’enquête sur l’enseignement dans le Québec, l’Assemblée législative sera sans doute appelée à réformer les structures supérieures du système scolaire par l’établissement d’un ministère de l’Éducation et à donner une nouvelle définition du rôle des Comités catholique et protestant. Il faut espérer, que dans la suite de son rapport, la Commission élabore également la question du droit de tout citoyen de recevoir une instruction qui lui permette de développer pleinement sa personnalité ; elle s’est déjà engagée dans cette direction, selon les normes proposées par l’article 14 du projet de Pacte des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, puisqu’elle déclare que "l’ère nouvelle exige que tous les écoliers aient accès au niveau d’enseignement correspondant à leurs aptitudes" et que "l’objectif à atteindre est de rendre accessibles à tous les étudiants les cours qui conviennent à leur talent". Il est permis de croire que la Législature recevra favorablement ces recommandations, puisque aussi bien elle a adopté récemment plusieurs lois destinées à faciliter l’accès aux études supérieures. Il ne lui restera plus alors qu’à consacrer le principe du droit de tous à l’instruction, dans une charte provinciale des droits de l’homme » (p.293-294) (les caractères gras sont de nous). 
Il propose ensuite un "Aperçu du contenu d’une Charte provinciale des droits de l’homme". L’article 20 de son projet de Charte québécoise énonce ceci :

« Article 20
1. Toute personne a droit à l’instruction.
2. L’enseignement primaire est obligatoire et dispensé gratuitement à tous.
3. L’enseignement secondaire, sous ses diverses formes, y compris l’enseignement technique et professionnel est dispensé gratuitement à tous.
4. L’enseignement supérieur, accessible à tous en fonction du mérite de chacun, est dispensé gratuitement.
(...) » (p.310) (les caractères gras sont de nous).
Source : Jacques-Yvan Morin, « Une Charte des droits de l’homme pour le Québec » (1963) 9 McGill. L. J. 273 aux pp.293-294 et 310.

À propos de l’article de Jacques-Yvan Morin, Alain-Robert Nadeau affirme : « L’influence de cet article a été considérable, à un point tel que plusieurs y voient l’amorce de la réflexion et de l’action politique qui culminera éventuellement à l’adoption de la Charte des droits et libertés de la personne ».

Source : Alain-Robert Nadeau, « La charte des droits et libertés de la personne : origines, enjeux et perspectives » (2006) Hors-Série R. du B. 1 à la p.7.

La Commission Royale d’enquête sur l’enseignement (Commission Parent) affirmait en 1966 :

« La démocratisation véritable de l’enseignement suppose des mesures d’aide aussi bien que de gratuité » (para.598 à la p.195). « Ce n’est pas sans parfois bien des hésitations que la société a dû se rendre à cette évidence : l’éducation est, tout comme la santé, un service social essentiel, indispensable pour l’individu comme pour la collectivité » (para.600 à la p.196) (les caractères gras sont de nous).
La Commission recommanda :

« qu’au niveau universitaire, bien que la gratuité scolaire soit souhaitable à long terme, les frais de scolarité soient maintenus » (para.668, no.115 à la p.238) (les caractères gras sont de nous).

Source : Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, Rapport de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, v.5, Québec, Gouvernement du Québec, 1966 aux pp.195-196 et 238, en ligne : « http://classiques.uqac.ca/contempor... ». Voir aussi : Yvan Perrier et Guy Rocher, « Les droits de scolarité à l’université : « Juste part » ou « Lutte juste » ? », en ligne : http://www.google.ca/url?sa=t&r...

Eric Folot
Avocat et bioéthicien 


NB : Les opinions émises dans ce blog sont personnelles et celles-ci ne représentent pas le point de vue de mon employeur.

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