dimanche 14 février 2016

La dignité humaine : les fondements juridiques (2.1. La jurisprudence canadienne jusqu'en 2013 : La dignité comme limite raisonnable à la liberté)


2.1.2. La dignité comme limite raisonnable à la liberté
            Le respect de la liberté individuelle, qui repose sur le respect de la dignité humaine, est, selon la Cour, le « précepte central de l'ordre juridique et moral » de notre pays depuis l'adoption de la Charte canadienne[1]. Mais cette liberté n'est pas absolue. En effet, il est généralement reconnu que la liberté et les droits de chacun se terminent là où commencent ceux des autres[2]. Comme l'affirme Peter Leuprecht, « les droits de I'homme  ne doivent jamais devenir un instrument de domination ou d'écrasement d'autrui. La liberté à laquelle nous aspirons n'est pas celle du libre renard dans un poulailler »[3] Pour cette raison, la Commission de réforme du droit du Canada, citée par la juge l'Heureux-Dubé (pour la Cour) dans l'arrêt Cloutier c. Langlois, insiste sur l'idée que « pour sauvegarder la liberté, il est parfois nécessaire de la restreindre par le moyen d'interdictions »[4]. De plus, comme le souligne le juge Gonthier (pour la majorité) dans l'arrêt R c. Jobidon (1991), l'autonomie (la liberté) « n'est pas la seule valeur que notre droit cherche à protéger »[5]. Par conséquent, la liberté ne peut se concevoir sans référence aux autres valeurs essentielles d'une société libre et démocratique. Dans l'arrêt R c. Oakes (1986), le juge Dickson (pour la majorité) énumérait d'une manière non exhaustive[6], les principales valeurs d'une société libre et démocratique lesquelles comprennent outre « les garanties énumérées dans la Charte »[7], « le respect de la dignité inhérente de l'être humain, la promotion de la justice et de l'égalité sociales, l'acceptation d'une grande diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des groupes dans la société »[8]. Ces valeurs essentielles à une société libre et démocratique, parmi lesquelles figure au premier plan la dignité humaine[9], ne méritent pas toutes le même poids et varieront en importance selon les circonstances[10]. Elles « sont à l'origine des droits et libertés garantis par la Charte et constituent la norme fondamentale en fonction de laquelle on doit établir qu'une restriction d'un droit ou d'une liberté constitue, malgré son effet, une limite raisonnable dont la justification peut se démontrer »[11]. Elles servent donc à la fois à garantir les droits énoncés dans la Charte canadienne et, lorsque cela est indiqué, à justifier une restriction à ces droits[12]. Les droits et libertés garantis par la Charte canadienne n'étant pas absolus[13], l'article 1 de la Charte canadienne prévoit que les droits et libertés peuvent être restreints par une règle de droit, « dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ». Il est, en effet, parfois nécessaire de restreindre des droits pour atteindre des objectifs sociaux importants[14] ou pour protéger d'autres droits[15]. Comme le souligne la juge Wilson (pour la majorité) dans l'arrêt R c. Morgentaler (1988) :

« La Charte est fondée sur une conception particulière de la place de l'individu dans la société. Un individu ne constitue pas une entité totalement coupée de la société dans laquelle il vit. Cependant l'individu n'est pas non plus un simple rouage impersonnel d'une machine subordonnant ses valeurs, ses buts et ses aspirations à celles de la collectivité. L'individu est un peu les deux. La Charte exprime cette réalité en laissant un vaste champ d'activités et de décisions au contrôle légitime du gouvernement, tout en fixant des bornes à l'étendue appropriée de ce contrôle » [nos soulignés][16].

La valeur de dignité humaine fut parfois invoquée comme objectif valide, urgent et réel afin de justifier, en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne, une limite raisonnable à la restriction d'un droit ou d'une liberté fondamental. 

            La valeur de dignité humaine fut invoquée dans l'arrêt R c. Keegstra (1990) afin de justifier, en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne, une limite raisonnable à la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne[17]. Dans cet arrêt, le juge Dickson (pour la majorité) s'est penché sur la constitutionnalité de l'article 319(2) du Code criminel interdisant la propagande haineuse. Il a d'abord vérifié la compatibilité de la propagande haineuse avec les valeurs fondamentales de la liberté d'expression et a jugé que la propagande haineuse ne faisait pas partie de ces valeurs[18] et qu'elle ne devait donc pas bénéficier d'une grande protection lors de l'analyse en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne[19]. Bien que la liberté d'expression qui touche au domaine politique et qui permet une pleine participation au processus démocratique soit étroitement liée à la dignité humaine[20], le juge Dickson a insisté sur le fait que la liberté d'expression ne peut prétendre servir la dignité humaine lorsqu'elle est exercée, comme dans le cas de la propagande haineuse, de manière à subvertir le processus démocratique et à affaiblir notre engagement envers la démocratie[21] en véhiculant et en répandant des idées contraires aux valeurs démocratiques[22]. Le juge Dickson a donc conclu que l'interdiction de propagande haineuse portait atteinte à la liberté d'expression, mais qu'elle constituait une limite raisonnable qui se justifie dans une société libre et démocratique[23]. En effet, l'objectif visé par l'article 319(2) du Code criminel de prévenir un préjudice réel découlant de la propagande haineuse était suffisamment important, urgent et réel pour justifier une atteinte à la liberté d'expression[24]. Comme préjudice, l'interdiction visait notamment à prévenir une atteinte à la dignité humaine que le juge Dickson (pour la majorité) définit comme un sentiment d'exclusion, d'humiliation et d'avilissement que ressent l'individu visé par la propagande haineuse et qui s'accompagne d'un profond effet négatif sur l'estime de soi[25]. Le juge Dickson précise :

« À mon avis, il est normal qu'un individu visé par une propagande haineuse se sente humilié et avili. En effet, le sentiment de dignité humaine et d'appartenance à l'ensemble de la collectivité est étroitement lié à l'intérêt et au respect témoignés à l'égard des groupes auxquels appartient l'individu (voir I. Berlin, "Deux conceptions de la liberté", dans Éloge de la liberté (1988), 167, aux pp. 202 et 203). La dérision, l'hostilité et les injures encouragées par la propagande haineuse ont en conséquence un profond effet négatif sur l'estime de soi et sur le sentiment d'être accepté. Cet effet peut amener les membres du groupe cible à des réactions extrêmes (...) Ces conséquences sont graves dans une nation dont la fierté est d'être tolérante et de favoriser la dignité humaine, notamment en respectant les nombreux groupes raciaux, religieux et culturels de notre société »[26].

Selon le juge Dickson, l'interdiction de la propagande haineuse vise également à préserver une valeur étroitement liée à la dignité humaine et fondamentale dans une société libre et démocratique à savoir l'égalité de tous[27]. Il affirme :

« Le message véhiculé par l'activité expressive visée au par. 319(2) est que les membres de groupes identifiables ne doivent pas avoir un statut d'égalité dans la société, et ne sont pas des êtres humains qui méritent le même respect, la même déférence et la même considération que les autres. Le tort causé par un tel message est en conflit direct avec les valeurs essentielles à une société libre et démocratique et, en restreignant la fomentation de la haine, le Parlement cherche donc à renforcer la notion de respect mutuel, indispensable dans une nation qui vénère le principe de l'égalité de tous » [nos soulignés][28].

            En somme, la liberté d'expression peut, selon qu'elle favorise ou défavorise une pleine participation au processus démocratique, à la fois servir ou desservir la dignité humaine en renforçant ou en minant le sentiment d'appartenance à l'ensemble de la collectivité. C'est pourquoi la dignité humaine, comme valeur d'une société libre et démocratique, peut parfois servir à justifier en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne une limite raisonnable à la liberté d'expression lorsque celle-ci est exercée de manière à miner les valeurs démocratiques et à défavoriser une pleine participation au processus démocratique. Le juge Dickson (pour la majorité) a, dans cet arrêt, reconnu à la dignité humaine deux sens différents. D'une part, il parle du « sentiment de dignité humaine » qui se traduit par un sentiment d'appartenance à l'ensemble de la collectivité et un besoin inhérent et universel de reconnaissance[29]. Dans cette première acception du terme, la dignité insiste sur le droit de tout citoyen de participer au processus démocratique et sur le sentiment légitime que tout être humain a d'être reconnu à part entière et d'être respecté pour ce qu'il est par une collectivité qui cultive la tolérance et qui respecte les différences[30]. Cette première acception du terme dignité qui insiste sur la capacité de tout citoyen de participer pleinement à la société et au processus démocratique est étroitement liée à la liberté positive[31]. La propagande haineuse brime la liberté positive d’une catégorie de citoyens en les empêchant de participer au processus démocratique et aux décisions de société qui affectent leur liberté[32]. D'autre part, le juge Dickson soutient implicitement que la dignité humaine sous-tend la valeur d'égalité. En effet, en reprenant à son compte la définition du droit à l'égalité de l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia (1989), il définit l'égalité comme signifiant que tous les êtres humains méritent le même respect, la même déférence et la même considération[33]. Or cette définition du droit à l'égalité, comme nous le verrons au point 2.1.3.1, découle de la dignité humaine, c'est-à-dire de la reconnaissance préalable de l'égale valeur intrinsèque de tous les êtres humains[34]. Si tous les êtres humains ont une égale valeur intrinsèque et que tous ont, pour cette raison, droit au même respect et à la même considération alors l'égalité ne peut demeurer formelle au sens d'un traitement identique pour tous. Conséquemment, seule une égalité réelle est conforme à la dignité humaine. Dans cette deuxième acception du terme, la dignité humaine insiste donc sur le principe d'égalité réelle que nous développerons davantage au point 2.1.3.1.

            La valeur de dignité humaine fut également invoquée dans le Renvoi relatif à l'article 193 et 195.1(1)(c) du Code criminel (1990), afin de justifier, en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne, une limite raisonnable à la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne. Dans ce renvoi, la Cour s'est penchée sur le problème de la prostitution. D'emblée, la Cour précise qu'au Canada la prostitution n'est pas en soi interdite[35] et que seule la sollicitation en public l'est[36]. Elle poursuit en se prononçant sur la constitutionnalité des articles 193 et 195.1(1)(c) du Code criminel interdisant respectivement la tenue d'une maison de débauche et la sollicitation en public à des fins de prostitution. Elle jugea que l'interdiction de sollicitation à des fins de prostitution portait atteinte à la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne, mais qu'elle constituait, en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne, une limite raisonnable qui se justifie dans une société libre et démocratique[37]. Selon le juge Lamer (pour la majorité), l'objectif de l'article 195.1(1)(c) du Code criminel est de contrôler la prostitution "de rue"[38] afin de mettre un frein à la nuisance qu'entraîne la sollicitation dans un endroit public[39]. Cette disposition vise également, selon lui[40], à empêcher « que des jeunes personnes vraisemblablement vulnérables et impressionnables soient exposées à une activité qui constitue à plusieurs égards une exploitation dégradante et, dans certains cas, dangereuse » [nos italiques][41]. Au soutien de ses propos, il cite le Conseil consultatif de l'Ontario sur le statut de la femme qui soutient également que la prostitution est une forme de violence, d'exploitation, de domination et d'abus de pouvoir contre les femmes[42]. Selon le juge Lamer, cet objectif législatif qui vise à protéger les jeunes personnes vulnérables et impressionnables contre l'exposition à une activité qui constitue une exploitation dégradante et dangereuse est donc manifestement urgent et réel[43] d'autant que la prostitution, en tant qu'elle exploite la position désavantagée et inégale de la femme dans notre société[44], constitue selon lui une forme d'esclavage[45] qui avilit la dignité personnelle des prostituées[46]. Ce jugement de valeur concernant le caractère avilissant, néfaste et attentatoire à la dignité humaine de la prostitution est partagé par la juge Wilson (dissidente)[47]. Il convient également de noter que le caractère attentatoire à la dignité humaine de la prostitution est également partagé par la juge McLachlin (dissidente) dans l'arrêt R. c. Hess (1990)[48], qui considère la prostitution comme néfaste et comme une forme d'esclavage pour les jeunes filles, et par les juges Bastarache et Lebel (dissidents) dans l'arrêt R c. Labaye (2005)[49] qui affirment que l'exploitation commerciale d'activités sexuelles va à l'encontre des valeurs canadiennes d'égalité, de liberté et de dignité humaine. Ils affirment :

« (...) Les actes sexuels associés à un échange commercial ont une incidence sur la tolérance de la société, notamment parce que ce type d’échange dénote une exploitation et une perte de dignité ou d’autonomie des personnes impliquées[50] (...) Les Canadiens ne sont pas portés à tolérer l’exploitation commerciale d’activités sexuelles, puisque cela va à l’encontre de plusieurs valeurs de la société canadienne telles l’égalité, la liberté, et la dignité de la personne » [nos soulignés][51].

            En somme, l'interdiction de sollicitation à des fins de prostitution porte atteinte à la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne, mais se justifie en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne afin d'empêcher que des personnes vraisemblablement vulnérables et impressionnables soient exposées à une activité qui constitue une exploitation dégradante, dangereuse qui avilit la dignité humaine. Selon les juges Lamer (pour la majorité) et Wilson (dissidente) la dignité humaine est étroitement liée à l'égalité. En effet, ils soutiennent qu'en tant qu'activité qui exploite la position désavantagée et inégale de la femme dans notre société, la prostitution avilit la dignité personnelle des prostituées[52]. Le juge Lamer ajoute que la prostitution constitue une forme d'esclavage[53], d'exploitation dégradante et dangereuse[54] où règne la violence, l'oppression, la domination et l'abus de pouvoir[55]

            Les valeurs d'égalité et de dignité humaine furent également invoquées dans l'arrêt R c. Butler (1992) afin de justifier, en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne, une limite raisonnable à la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne[56]. Dans cet arrêt, la Cour s'est penchée sur la constitutionnalité de l'article 163 du Code criminel portant sur la corruption des moeurs. L'appelant, propriétaire d'une boutique faisant la vente de matériel pornographique, fut accusé sous divers chefs d'accusation, dont ceux de vente et de possession de matériel obscène. L'article 163(8) du Code criminel disposait qu'une publication est réputée obscène lorsque l'une des caractéristiques dominantes est l'exploitation indue des choses sexuelles. Une exploitation sexuelle est indue si elle ne respecte pas « le critère de la "norme sociale de tolérance" »[57]. Selon la Cour, du matériel dégradant ou déshumanisant qui  place des femmes en état de subordination, de soumission ou d'humiliation est nocif pour la société[58] et ne respecte donc pas ce critère de tolérance[59]. Pour déterminer si du matériel est dégradant ou déshumanisant, l'apparence de consentement des participants n'est pas nécessairement déterminante[60], car la norme sociale de tolérance est fonction du risque de préjudice causé à la société et non aux participants[61]. Ainsi, plus le matériel risque de prédisposer une personne à agir de façon antisociale[62], plus il y a de chance, si ce risque est suffisamment important[63], qu'il soit incompatible avec le bon fonctionnement de la société et de constituer une exploitation indue qui outrepasse la norme sociale de tolérance[64]. En restreignant la communication de certains types de matériel en fonction de leur contenu et en interdisant certains types d'activités expressives, l'article 163(8) du Code criminel viole indubitablement la liberté d'expression garantie à l'article 2b) de la Charte canadienne[65]. Néanmoins, la Cour reconnaît que l'objectif visé par l'article 163(8) du Code criminel, de prévenir que des préjudices ne soient causés à la société tel que des actes antisociaux ou une atteinte sérieuse aux valeurs fondamentales de la société telles que la dignité humaine et l'égalité[66], est suffisamment urgent et réel pour justifier une atteinte à la liberté d'expression[67]. En effet, le Parlement a le droit « de légiférer en se fondant sur une certaine conception fondamentale de la moralité aux fins de protéger les valeurs qui font partie intégrante d'une société libre et démocratique »[68]. Le juge Sopinka (pour la majorité) souligne non seulement que le matériel dégradant ou déshumanisant qui place les femmes dans un état de subordination et de soumission et qui les représente comme une catégorie d'objets d'exploitation est contraire aux principes d'égalité et de dignité humaine, mais également que le consentement des participants n'est pas déterminant et ne peut sauvegarder du matériel dégradant ou déshumanisant. Il laisse ainsi sous-entendre qu'un consentement libre et éclairé ne peut justifier un renoncement à la dignité humaine :

« (...) Le matériel dégradant ou déshumanisant place des femmes (et parfois des hommes) en état de subordination, de soumission avilissante ou d'humiliation. Il est contraire aux principes d'égalité et de dignité de tous les êtres humains. Pour déterminer si du matériel est dégradant ou déshumanisant, l'apparence de consentement n'est pas nécessairement déterminante. Le consentement ne saurait permettre de sauvegarder du matériel qui, par ailleurs, renferme des scènes dégradantes ou déshumanisantes. Parfois, l'apparence même de consentement rend les actes représentés encore plus dégradants ou déshumanisants[69] (...) Comme l'indique aussi le juge Anderson dans la même affaire, si l'on veut parvenir à une véritable égalité entre les hommes et les femmes, on ne peut ignorer la menace que présente pour l'égalité le fait d'exposer le public à certains types de matériel violent et dégradant. Le matériel qui représente les femmes comme une catégorie d'objets d'exploitation et d'abus sexuels a une incidence négative sur [TRADUCTION] "la valorisation personnelle et l'acceptation de soi" » [nos soulignés][70].

Cette idée selon laquelle le consentement des participants ne peut sauvegarder du matériel dégradant ou déshumanisant a été réitérée à nouveau dans les arrêts R c. Mara (par le juge Sopinka pour la Cour)[71] et R c. Labaye (par les juges dissidents)[72].

            En somme, l'interdiction frappant la vente de matériel obscène porte atteinte à la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne, mais se justifie en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne afin de prévenir que des préjudices ne soient causés à la société tel que des actes antisociaux ou une atteinte aux valeurs fondamentales de dignité humaine et d'égalité. Le juge Sopinka (pour la majorité) soutient dans cet arrêt que la dignité humaine est étroitement liée à la valeur d'égalité. Il affirme, en effet, que le matériel dégradant ou déshumanisant qui place les femmes dans un état de subordination et de soumission et qui les représente comme une catégorie d'objets d'exploitation porte atteinte, de manière analogue à la propagande haineuse[73], aux valeurs fondamentales d’égalité et de dignité humaine sur lesquelles reposent notre vision de la société canadienne[74]. Il insiste également sur l'idée que le consentement des participants ne peut sauvegarder du matériel dégradant, déshumanisant et contraire aux valeurs d'égalité et de dignité humaine. En d'autres termes, une personne ne peut librement consentir à renoncer à la dignité humaine, car bien que la liberté soit une valeur étroitement liée à la dignité humaine, elle n'est pas la seule valeur que la dignité humaine cherche à protéger. La valeur d'égalité qui découle également de la dignité humaine constitue en quelque sorte une limite infranchissable à la liberté. En ce sens, tous les êtres humains sont égaux et nul ne peut consentir librement à se laisser dominer et exploiter sans porter atteinte à la dignité humaine. 
            L'arrêt Rodriguez c. Colombie-Britannique (1993) portant sur l'aide médicale au suicide est également important pour comprendre le sens du concept juridique de dignité humaine. Bien que dans cet arrêt la dignité humaine n'ait pas été invoquée directement pour justifier une restriction au droit à la sécurité et à la liberté de mettre fin à ses jours dans le contexte des décisions en fin de vie, elle se profile derrière le raisonnement de la Cour. La décision d'une personne de mettre fin à ses jours dans un contexte de fin de vie est sans aucun doute essentielle à l'autonomie et à la « dignité individuelle »[75] et est, pour cette raison, protégée par le droit à la sécurité[76] garanti par l'article 7 de la Charte canadienne. Cependant, le juge Sopinka (pour la majorité) jugea que l'interdiction de l'aide au suicide qui portait atteinte au droit à la sécurité était néanmoins conforme aux principes de justice fondamentale[77]. Selon le juge Sopinka, une restriction à un droit qui sert une fin valable et qui promeut l'intérêt de l'État (quel qu'il puisse être) n'est pas arbitraire et ne constitue donc pas une violation des principes de justice fondamentale[78]. Selon le juge Sopinka, l'interdiction de l'aide au suicide sert une fin valable et promeut l'intérêt légitime qu'a l'État de protéger la vie humaine et les personnes vulnérables[79] et n'est donc pas arbitraire. En filigrane de cette décision se profilent deux conceptions opposées de la dignité humaine. D'une part, le juge Sopinka affirme que l'interdiction de l'aide au suicide porte atteinte au droit à la sécurité[80] et incidemment aux valeurs qui le sous-tend à savoir l'autonomie personnelle et la « dignité de la personne »[81]. Dans cette première conception, la dignité humaine protège la liberté ou l'autonomie individuelle[82]. D'autre part, il soutient que cette atteinte au droit à la sécurité et à la « dignité de la personne » est conforme aux principes de justice fondamentale en ce qu'elle sert une fin valable et l'intérêt légitime qu'à l'État de protéger les personnes vulnérables et la valeur intrinsèque de la vie humaine que sous-tend la « dignité inhérente de tout être humain »[83]. Dans cette deuxième conception, la dignité humaine protège la vie humaine et les personnes vulnérables[84]. À ce propos, il dit :

« En tant que membres d'une société fondée sur le respect de la valeur intrinsèque de la vie humaine et sur la dignité inhérente de tout être humain, pouvons-nous insérer dans la Constitution, qui consacre nos valeurs les plus fondamentales, le droit de mettre fin à sa propre vie dans toutes circonstances ? Cette question soulève à son tour d'autres interrogations qui sont d'importance fondamentale, telle la mesure dans laquelle notre conception du caractère sacré de la vie comprend également des notions de qualité de la vie » [nos soulignés][85].

Il résout le conflit entre ces deux conceptions différentes de la dignité humaine en accordant préséance à la « dignité inhérente de tout être humain ». Il souligne en effet que le Canada et les démocraties occidentales considèrent le caractère sacré de la vie et incidemment la « dignité inhérente de tout être humain » comme le principe et les notions d'autonomie personnelle et de « dignité de la personne » comme l'exception. Il affirme :

« L'examen qui précède démontre que le Canada et d'autres démocraties occidentales reconnaissent et appliquent le principe du caractère sacré de la vie à titre de principe général soumis à des exceptions circonscrites et restreintes dans les cas où les notions d'autonomie personnelle et de dignité doivent prévaloir. Toutefois, ces mêmes sociétés persistent (...) à interdire l'aide au suicide dans des cas qui s'apparentent à celui de l'appelante[86] (...) S'il se dégage un consensus, c'est celui que la vie humaine doit être respectée et nous devons nous garder de miner les institutions qui la protège » [nos soulignés][87].

Cet arrêt démontre que le droit à la liberté et à la sécurité (et les notions d'autonomie et de « dignité de la personne » qu'il sous-tend) n'est pas absolu même pour les adultes[88] et qu'il peut être restreint si cette restriction sert une fin valable (promeut un intérêt véritable de l'État tel que la protection des personnes vulnérables et de la valeur intrinsèque de la vie humaine que sous-tend la « dignité inhérente de tout être humain ») et repose sur des motifs rationnels et non arbitraires. À ce propos, la juge en chef McLachlin (pour la majorité) affirme dans l'arrêt A.C. c. Manitoba (2009) :

« Dans Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519, les juges s’accordaient globalement pour dire que le droit conféré par l’art. 7 de prendre des décisions concernant son corps et sa vie peut être restreint par la loi compte tenu d’autres intérêts opposés de la société. Dans cette affaire, l’intérêt opposé de la société était la protection des personnes vulnérables susceptibles d’être amenées par la coercition à mettre un terme à leur vie prématurément (...) tous les juges de la Cour qui ont abordé cette question ont accepté que les limites à l’autonomie personnelle qui font progresser un intérêt véritable de l’État ne contreviennent pas à l’art. 7 s’il est démontré qu’elles reposent sur des motifs rationnels et non arbitraires » [nos soulignés][89].

            En somme, l'interdiction de l'aide au suicide porte atteinte au droit à la sécurité garanti par l'article 7 de la Charte canadienne, mais est conforme aux principes de justice fondamentale. En effet, une restriction à un droit qui sert une fin valable (promeut un intérêt véritable de l'État tel que la protection des personnes vulnérables et de la valeur intrinsèque de la vie humaine que sous-tend la « dignité inhérente de tout être humain ») et repose sur des motifs rationnels et non arbitraires n'est pas arbitraire et ne constitue donc pas une violation des principes de justice fondamentale. Or cette restriction au droit à la sécurité sert une fin valable et promeut un intérêt véritable de l'État de protéger les personnes vulnérables et la vie humaine. En filigrane de cette décision se profilent deux conceptions opposées de la dignité humaine. D'une part, le juge Sopinka affirme que l'interdiction de l'aide au suicide porte atteinte au droit à la sécurité[90] et incidemment aux valeurs qui le sous-tend à savoir l'autonomie personnelle et la « dignité de la personne »[91]. Dans cette première conception, la dignité humaine protège la liberté ou l'autonomie individuelle[92]. D'autre part, il soutient que cette atteinte au droit à la sécurité et à la « dignité de la personne » est conforme aux principes de justice fondamentale en ce qu'elle sert l'intérêt légitime qu'à l'État de protéger les personnes vulnérables et la valeur intrinsèque de la vie humaine que sous-tend la « dignité inhérente de tout être humain »[93]. Dans cette deuxième conception, la dignité humaine protège la valeur intrinsèque de la vie humaine et les personnes vulnérables[94]. Ces deux conceptions de la dignité conduisent à des résolutions différentes du litige. La première conception milite en faveur de la levée de l'interdiction de l'aide au suicide alors que la deuxième conception milite en faveur du maintien de l'interdiction de l'aide au suicide. Le juge Sopinka résout ce conflit en accordant préséance à la deuxième conception de la dignité humaine en soulignant que le Canada et les autres démocraties occidentales considèrent la valeur intrinsèque de la vie humaine et la dignité inhérente de tout être humain comme le principe et l'autonomie personnelle et la dignité de la personne comme l'exception[95]. Il ajoute que « s'il se dégage un consensus, c'est celui que la vie humaine doit être respectée » et que « nous devons nous garder de miner les institutions qui la protège »[96].
            Dans l'arrêt R. c. Sharpe (2001), la Cour s'est penchée sur la constitutionnalité de l'article 163.1(4) du Code criminel interdisant la possession de pornographie juvénile. Elle jugea que cette interdiction portait atteinte à la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne, mais qu'elle constituait, en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne, une limite raisonnable[97] qui se justifie dans une société libre et démocratique[98]. L'objectif visé par l'article 163.1(4) du Code criminel de prévenir le préjudice causé aux enfants[99] était suffisamment important, urgent et réel pour justifier une atteinte à la liberté d'expression[100]. En effet, la criminalisation de la possession de pornographie juvénile renforce les dispositions du Code criminel qui criminalisent la production et la distribution de cette forme de pornographie et fournit donc, selon la Cour, une protection supplémentaire contre l'atteinte à la dignité humaine des enfants qui, lors de la production de pornographie juvénile, sont souvent sexuellement exploités, avilis et réduits à de simples objets sexuels[101]. La juge McLachlin (pour la majorité) affirme :

« La criminalisation de la possession peut réduire le marché de la pornographie juvénile et l'exploitation des enfants qui y est souvent associée. Le lien entre la production de pornographie juvénile et le préjudice causé aux enfants est très fort. L'exploitation a une portée très étendue et des effets dévastateurs. L'enfant est traumatisé par le fait qu'il sert d'objet sexuel lors de la production du matériel pornographique. Il peut être sexuellement exploité et avili. Le traumatisme et l'atteinte à la dignité peuvent marquer l'enfant pour la vie. Il n'est pas rare que l'enfant tombe dans la déchéance et se retrouve dans le commerce du sexe » [nos soulignés][102].

Les juges l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents) sont également d'avis que cet article vise à protéger et à assurer le respect de la dignité humaine. Ils affirment :

« La Cour ne doit pas non plus perdre de vue les autres droits et valeurs démocratiques que le législateur a voulu protéger en adoptant le par. 163.1(4) du Code criminel. L'interdiction de la possession de pornographie juvénile est conforme aux valeurs démocratiques essentielles à notre collectivité, ainsi qu'aux droits garantis aux enfants par la Charte. C'est une mesure législative qui favorise le respect de la dignité inhérente des enfants en enrayant le matériel qui les avilit, d'où son utilité pour protéger les droits des enfants à l'égalité et à la sécurité (...) L'interdiction de la possession de matériel de ce genre est donc compatible avec les valeurs consacrées par notre Charte. Elle favorise le respect de la dignité des enfants et indique qu'ils ont droit à la même considération que tous les autres membres de la société. À notre avis, le législateur a adopté une mesure législative raisonnable et justifiée dans une société libre et démocratique [nos soulignés][103].

            En somme, l'interdiction de possession de pornographie juvénile porte atteinte à la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne, mais se justifie en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne afin de prévenir que des préjudices ne soient causés aux enfants. En effet, la criminalisation de la possession de pornographie juvénile renforce les dispositions du Code criminel qui criminalisent la production et la distribution de cette forme de pornographie et fournit donc, selon la Cour, une protection supplémentaire contre l'atteinte à la dignité humaine des enfants qui, lors de la production de pornographie juvénile, sont souvent sexuellement exploités, avilis et réduits à de simples objets sexuels. Tous les juges de la Cour reconnaissent dans cet arrêt que la dignité humaine est étroitement liée à l'égalité[104]. Selon la juge McLachlin (pour la majorité), l'exploitation sexuelle et l'avilissement des enfants de même que le fait de les traiter comme de simples objets sexuels, compromettent et minent les valeurs fondamentales d'égalité et de dignité humaine[105]. De même, les juges dissidents insistent sur le fait que tous les êtres humains (incluant les enfants) sont égaux et ont droit au même respect et à la même considération[106]. Selon eux, la pornographie juvénile exploite l'infériorité des enfants et se nourrit d'inégalités préexistantes[107]. Pour cette raison, la pornographie juvénile porte atteinte, selon eux, aux valeurs d'égalité et de dignité humaine[108]
            Dans l'arrêt Chaoulli c. Québec (2005), la Cour s'est penchée sur la constitutionnalité des articles 15 de la Loi sur l'assurance maladie et 11 de la Loi sur l'assurance-hospitalisation qui interdisent de souscrire à une assurance privée pour des soins de santé couverts par le régime public. Les juges McLachlin et Major (pour la majorité) soutiennent que, dans un contexte de délais d'attente où l’omission du gouvernement d’assurer un accès raisonnable à des soins de santé entraîne un accroissement des risques de complications et de mortalité, cette interdiction porte atteinte au droit à la vie et à la sécurité garanties par l'article 7 de la Charte canadienne[109] d'une manière arbitraire qui n'est, par conséquent, pas conforme aux principes de justice fondamentale[110]. Selon les juges majoritaires, est arbitraire une règle de droit qui « n’a aucun lien ou est incompatible avec l’objectif » qu’elle vise[111]. Or selon les juges majoritaires, l'interdiction de souscrire à des assurances privées en santé est arbitraire, car elle n'a aucun lien avec son objectif de préserver le système de santé publique[112]. Finalement, ils soutiennent que cette atteinte n'est pas minimale et qu'elle ne peut, par conséquent, être justifiée en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne[113]. Dans un même ordre d'idée, la juge Deschamps (pour la majorité) soutient que cette interdiction porte atteinte aux droits à la vie et à la sécurité garantis par l'article 1 de la Charte québécoise[114]. Selon elle, cette atteinte n'est pas minimale et ne peut donc pas être justifiée par l'article 9.1 de la Charte québécoise[115]. En revanche, dans leur analyse de l'article 7 de la Charte canadienne, les juges dissidents (Binnie, Fish et Lebel) concluent, sur la base de l'ensemble de la preuve recueillie par la juge de première instance, que cette interdiction n'est pas arbitraire, puisqu'elle permet de préserver l'intégrité du système public de santé[116]. De plus, dans leur analyse des articles 1 et 9.1 de la Charte québécoise, les juges dissidents sont d'avis que les droits garantis par l'article 1 de la Charte québécoise, et revendiqués par les appelants à l'appui de leur prétention d'inconstitutionnalité, ne s'exercent pas dans le respect des « valeurs démocratiques », de « l'ordre public » et du « bien-être général des citoyens du Québec » (en particulier des moins favorisés) tel que prescrit par l'article 9.1 de la Charte québécoise[117]. Selon les juges dissidents, les dispositions législatives contestées, qui interdisent de souscrire à une assurance privée, concernent les droits à la vie et à la sécurité de tous les citoyens. Bien que ces dispositions puissent porter atteinte aux droits à la vie et à la sécurité des personnes économiquement plus favorisées (une minorité de la population) qui disposent des moyens financiers pour souscrire à une assurance privée, elles sont nécessaires afin de préserver l'intégrité d'un système de santé publique[118] garant de la dignité humaine, de l'égalité[119] et du droit à la vie et à la sécurité de tous les citoyens en particulier des personnes économiquement moins favorisées qui ne disposent pas des ressources financières suffisantes pour souscrire à une assurance privée (une majorité de la population). Étant entendu que « tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi » [nos italiques][120] alors la solution que le législateur a tenté d'apporter au problème d'accès aux soins de santé, en interdisant la souscription à des assurances privées en santé afin de garantir un système public universel de santé accessible à tous, est, selon les juges dissidents, conforme à l'esprit du préambule[121] et à l'objectif général de la Charte québécoise qui vise « la protection du droit à la dignité et à l'égalité de tout être humain » [nos italiques][122]. Les juges dissidents justifient ainsi la restriction des droits à la sécurité des appelants (qui représente une minorité favorisée) au nom de la dignité humaine et du bien-être général de TOUS les citoyens du Québec[123]. Cette justification repose sur une interprétation téléologique[124] qui veut que les Chartes (canadienne et québécoise) n'aient pas pour but et ne doivent pas servir à invalider des lois qui visent à améliorer le sort des personnes moins favorisées en protégeant des droits économiques et sociaux essentiels à la dignité humaine et garants d'une réelle liberté pour tous :

« Les personnes qui sollicitent une assurance maladie privée sont celles qui en ont les moyens et qui y sont admissibles. Ce sont les membres de la société qui sont plus favorisés. Ils se distinguent de la population générale non pas par leurs problèmes de santé, qui sont communs à toutes les couches sociales, mais plutôt par leur revenu. Nous partageons l’avis du juge en chef Dickson selon lequel la Charte canadienne ne doit pas devenir un instrument utilisé par les riches pour « écarter » les avantages d’un régime législatif qui vient en aide aux membres plus pauvres de la société (...) Les observations du juge en chef Dickson deviennent encore plus pertinentes dans le cas de la Charte québécoise en raison de sa portée générale et de son applicabilité à une vaste gamme de rapports privés (...) À cet égard, il faut se rappeler que les dispositions législatives contestées en vertu de l’art. 1 concernent tous les citoyens du Québec. Elles visent des préoccupations partagées par tous les citoyens ainsi que des droits appartenant à chacun d’eux. La solution législative touche non seulement les individus, mais encore la société dont ils font partie. Il s’agit d’un problème auquel le législateur a tenté d’apporter une solution acceptable pour tous, conformément à l’esprit du préambule de la Charte québécoise (...) La preuve que nous avons examinée plus haut établit que les dispositions contestées faisaient partie d’un système soucieux de protéger les intérêts de tous, et non de certains seulement » [nos soulignés][125].

            En somme, l'interdiction de souscrire à une assurance privée pour des soins de santé couverts par le régime public porte atteinte, selon les juges majoritaires, au droit à la vie et à la sécurité garantis par les articles 7 de la Charte canadienne d'une manière arbitraire qui n'est, par conséquent, pas conforme aux principes de justice fondamentale et qui ne peut également être justifiée en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne. Ils soutiennent également que cette interdiction porte une atteinte qui n'est pas minimale aux droits à la vie et à la sécurité garantis par l'article 1 de la Charte québécoise et qu'elle ne peut donc pas être justifiée par l'article 9.1 de la Charte québécoise. En revanche, les juges dissidents concluent dans leur analyse de l'article 7 de la Charte canadienne que cette interdiction n'est pas arbitraire, puisqu'elle permet de préserver l'intégrité du système public de santé. De plus, dans leur analyse des articles 1 et 9.1 de la Charte québécoise, les juges dissidents sont d'avis que les droits garantis par l'article 1 de la Charte québécoise, et revendiqués par les appelants à l'appui de leur prétention d'inconstitutionnalité, ne s'exercent pas dans le respect des « valeurs démocratiques », de « l'ordre public » et du « bien-être général des citoyens du Québec » (en particulier des moins favorisés) tel que prescrit par l'article 9.1 de la Charte québécoise. Par conséquent, selon les juges dissidents, cette atteinte au droit à la vie et à la sécurité se justifie au nom des valeurs d'égalité et de dignité humaine et du bien-être général de TOUS les citoyens du Québec. Étant entendu que « tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi » [nos italiques], alors TOUS ont droit à ce que leurs intérêts et leurs droits reçoivent une égale protection[126]. La solution législative d'interdire la souscription d'assurance privée en santé, nécessaire selon la preuve pour garantir un système public universel de santé accessible à tous, respecte et protège les intérêts et les droits de TOUS les citoyens et pas seulement ceux d'une minorité économiquement favorisée[127]. Par le recours à une interprétation téléologique, les juges dissidents soulignent que les Chartes (canadienne et québécoise) n'ont pas pour but et ne doivent pas servir à invalider des lois qui visent à améliorer le sort des personnes moins favorisées en protégeant des droits économiques et sociaux essentiels à la dignité humaine et garants d'une réelle liberté pour tous. Dans cet arrêt, les juges dissidents insistent donc sur le lien étroit qui unit la dignité humaine et l'égalité et sur l'importance qui en découle de protéger les personnes pauvres et défavorisées de la société. Ils soulignent, en effet, que les tribunaux doivent veiller à ce que les Chartes, qui protègent la liberté négative essentielle aux personnes favorisées, ne deviennent pas un instrument pour écarter des lois visant à protéger, par des droits économiques et sociaux, la liberté positive essentielle aux personnes moins favorisées[128]. Leurs propos font échos à ceux prononcés par le juge Dickson dans des arrêts antérieurs : « Lorsque les tribunaux interprètent et appliquent la Charte, ils doivent veiller à ce qu’elle ne devienne pas simplement l’instrument dont se serviront les plus favorisés pour écarter des lois dont l’objet est d’améliorer le sort des moins favorisés » [129]. En réaction à ces propos du juge Dickson, Victor V. Ramraj affirme :

« To the extent that rights militate against the Charter's underlying vision of society, they should be limited (...) Dickson C.J.C., in this brief passage, captures an important truth about the Charter and about the nature of rights in general : when stripped of their purpose, rights can be as debilitating as they can be progressive. A right can be used improperly as a shield from appropriate state intervention or as a sword against others, or both. An appreciation of the social and historical context is necessary to determine when to limit the right.  What links rights and limitations is the notion of positive liberty » [nos soulignés][130].

Ainsi, selon Victor V. Ramraj ce qui lie les droits garanti par les Chartes et la limite raisonnable qui peut leur être apportée en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne ou de l'article 9.1 de la Charte québécoise est la préoccupation commune pour la liberté positive[131] et pour la valeur d'égalité (liée aux droits économique, sociaux et culturels)[132] que cette liberté positive permet de réaliser[133]. Malheureusement, la décision majoritaire de l'arrêt Chaoulli adopte une position libertarienne[134] et vient confirmer les propos tenus en 1989 par Andrew Petter à l'effet que la Charte canadienne a été et sera sans doute interprété comme un instrument régressif nuisible aux personnes vulnérables et désavantagées :

« The Charter is a regressive instrument more likely to undermine than to advance the cause of ordinary and disadvantaged Canadians. Seven years of litigation have shown that, except in criminal cases, the major beneficiaries of Charter rights are corporations, professionals, and other privileged interest (...) the Charter will tend to serve the interests of the economically privileged over those of ordinary and disadvantaged Canadians. At best, the Charter will divert progressive energies, inhibit market regulation, and legitimize prevailing inequalities in wealth and power. At worst, it will undermine existing programmes and block future reform » [nos soulignés][135].

Éric Folot, Avocat et Bioéthicien

[1] R. c. Salituro, [1991] 3 R.C.S. 654 au para.44, j. Iacobucci (pour la Cour).
[2] P. (D.) c. S. (C.), [1993] 4 R.C.S. 141 au para.107, j. l'Heureux-Dubé (pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.72, j. La Forest (pour la Cour) ; Université Trinity Western c. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 R.C.S. 772 au para.29, j. Iacobucci et Bastarache (pour la majorité) ; Lavoie c. Canada, [2002] 1 R.C.S. 769 au para.89, j. Arbour (pour la majorité) ; Syndicat Northcrest c. Amselem, [2004] 2 R.C.S. 551 au para.61, j. Iacobucci (pour la majorité).
[3] Peter Leuprecht, « Tous pour les droits de l'homme ? discours et réalité » (1986) Can. Hum. Rts. Y.B. 87 à la p.97.
[4] Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158 au para.57, j. l'Heureux-Dubé (pour la Cour). La liberté « est limitée de façon inhérente par les droits et libertés des autres » : P. (D.) c. S. (C.), [1993] 4 R.C.S. 141 au para.107, j. l'Heureux-Dubé (pour la majorité).
[5] R c. Jobidon, [1991] 2 R.C.S. 714 au para.120, j. Gonthier (pour la majorité) ; Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.77, j. Lamer (dissident). Voir aussi Isaiah Berlin, « Two concepts of liberty » in Henry Hardy, dir., Liberty, Oxford, Oxford University Press, 2009 aux pp.172, 207 et 215 ; Isaiah Berlin, « Introduction » in Henry Hardy, dir., Liberty, Oxford, Oxford University Press, 2009 à la p.48.
[6] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.45, j. Dickson (pour la majorité) ; R c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668 au para.67, j. McLachlin et Iacobucci (pour la majorité).
[7] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.45, j. Dickson (pour la majorité) ; R c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668 au para.67, j. McLachlin et Iacobucci (pour la majorité).
[8] R. c. Oakes , [1986] 1 R.C.S. 103 au para.64, j. Dickson (pour la majorité) ; Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217 au para.64 (la Cour).
[9] R. c. Oakes , [1986] 1 R.C.S. 103 au para.64, j. Dickson (pour la majorité) ; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.45 et 61, j. Dickson (pour la majorité) ; McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 229 au para.97, j. La Forest (pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.77, j. La Forest (pour la Cour) ; Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission),  [2000] 2 R.C.S. 307 au para.76, j. Bastarache (pour la majorité).
[10] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.45, j. Dickson (pour la majorité).
[11] R. c. Oakes , [1986] 1 R.C.S. 103 au para.64, j. Dickson (pour la majorité) ; Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038 au para.16 et 23, j. Dickson (pour la majorité) ; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.45, j. Dickson (pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.77, j. La Forest (pour la Cour).
[12] Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038 au para.23, j. Dickson (pour la majorité) ; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.44, j. Dickson (pour la majorité) ; Harvey c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 2 R.C.S. 876 au para.37, j. La Forest (pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.75, j. La Forest (pour la Cour).
[13] Comm. Ont. des Droits de la Personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 au para.22, j. McIntyre (pour la Cour) ; R. c. Oakes , [1986] 1 R.C.S. 103 au para.65, j. Dickson (pour la majorité) ; Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158 au para.57, j. l'Heureux-Dubé (pour la Cour) ; R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.80, j. McLachlin (pour la majorité) ; Terre-Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E., [2004] 3 R.C.S. 381 au para.53, j. Binnie (pour la Cour) ; S.L. c. Commission scolaire des Chênes, 2012 CSC 7 au para.25 et 31, j. Deschamps (pour la majorité). Voir aussi Thomas Nagel, « Libertarianism without Foundations » (1975) 85:1  The Yale Law Journal 136 aux pp.144-145.
[14] R. c. Oakes , [1986] 1 R.C.S. 103 au para.65, j. Dickson (pour la majorité). Voir aussi Thomas Nagel, « Libertarianism without Foundations » (1975) 85:1  The Yale Law Journal 136 aux pp.142, 144-145, 146.
[15] Gosselin c. Québec (Procureur général), [2002] 4 R.C.S. 429 au para.355, j. Arbour (dissidente).
[16] R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30 au para.224, j. Wilson (pour la majorité) ; Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.201, j. McLachlin (dissidente). Voir aussi Oscar Schacter, « Human Dignity as a Normative Concept » (1983) 77:4 The American Journal of International Law 848 à la p.851.
[17] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.61, 90, 92 et 137, j. Dickson (pour la majorité) ; Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877 au para.92, j. Bastarache (pour la majorité). Sur la propagande haineuse voir aussi : Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892 aux paras.41 et 45, j. Dickson (pour la majorité).
[18] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.92, j. Dickson (pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.90, j. La Forest (pour la Cour).
[19] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.92, j. Dickson (pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.89, j. La Forest (pour la Cour).
[20] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.89, j. Dickson (pour la majorité).
[21] Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.90, j. La Forest (pour la Cour).
[22] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.90 et 92, j. Dickson (pour la majorité)
[23] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.137, j. Dickson (pour la majorité).
[24] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.80 et 137, j. Dickson (pour la majorité).
[25] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.60, j. Dickson (pour la majorité).
[26] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.61, j. Dickson (pour la majorité).
[27] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.76, j. Dickson (pour la majorité).
[28] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.76, j. Dickson (pour la majorité).
[29] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.61, j. Dickson (pour la majorité).
[30] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.61 et 89-94, j. Dickson (pour la majorité).
[31] Victor V. Ramraj, « Keegstra, Butler, and positive liberty : a glimmer of hope for the faithful » (1993) 51:2 U. Toronto Fac. L. Rev. 304 à la p.323-325 (voir aussi p.310).
[32] Victor V. Ramraj, « Keegstra, Butler, and positive liberty : a glimmer of hope for the faithful » (1993) 51:2 U. Toronto Fac. L. Rev. 304 à la p.324.
[33] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.76, j. Dickson (pour la majorité).
[34] Québec (curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand,  [1996] 3 R.C.S. 211 au para.104, j. l'Heureux-Dubé (pour la Cour).
[35] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.49, 93 et 105, j. Lamer (pour la majorité) et au para.126, j. Wilson (dissidente).
[36] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.126, j. Wilson (dissidente).
[37] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.13, j. Dickson (pour la majorité) et au para.89, 98 et 107, j. Lamer (pour la majorité).
[38] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.96, j. Lamer (pour la majorité).
[39] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.95, j. Lamer (pour la majorité).
[40] En revanche, selon le juge Dickson, l'objectif d'empêcher que des jeunes personnes vulnérables ne soient exposées à la prostitution ne fait pas partie de l'objectif législatif : Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.2, j. Dickson (pour la majorité).
[41] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.98, j. Lamer (pour la majorité) et au para.125, j. Wilson (dissidente). Selon la juge Wilson, la prostitution est effectivement une façon dégradante pour les femmes de gagner leur vie : Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.126, j. Wilson (dissidente).
[42] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.95, j. Lamer (pour la majorité).
[43] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.96-97, 98 et 107, j. Lamer (pour la majorité).
[44] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.96, j. Lamer (pour la majorité) et au para.125, j. Wilson (dissidente).
[45] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.95, j. Lamer (pour la majorité).
[46] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.96, j. Lamer (pour la majorité) et au para.125, j. Wilson (dissidente).
[47] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.126, j. Wilson (dissidente).
[48] R. c. Hess; R. c. Nguyen, [1990] 2 R.C.S. 906 au para.93-94, j. McLachlin (dissidente).
[49] R. c. Labaye, [2005] 3 R.C.S. 728 au para.129 et 149, j. Bastarache et Lebel (dissidents).
[50] R. c. Labaye, [2005] 3 R.C.S. 728 au para.129, j. Bastarache et Lebel (dissidents).
[51] R. c. Labaye, [2005] 3 R.C.S. 728 au para.149, j. Bastarache et Lebel (dissidents).
[52] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.96, j. Lamer (pour la majorité) et au para.125, j. Wilson (dissidente).
[53] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.95, j. Lamer (pour la majorité).
[54] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.98 et 105, j. Lamer (pour la majorité).
[55] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.95, j. Lamer (pour la majorité). Voir aussi Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.2, j. Dickson (pour la majorité).
[56] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.49, 82, 88 et 92, j.Sopinka (pour la majorité) ; Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877 au para.92, j. Bastarache (pour la majorité).
[57] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.42, j.Sopinka (pour la majorité).
[58] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.50, j.Sopinka (pour la majorité).
[59] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.47, j.Sopinka (pour la majorité).
[60] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.49, j.Sopinka (pour la majorité).
[61] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.59, j.Sopinka (pour la majorité).
[62] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.59, j.Sopinka (pour la majorité).
[63] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.60, j.Sopinka (pour la majorité).
[64] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.59, j.Sopinka (pour la majorité).
[65] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.70, j.Sopinka (pour la majorité).
[66] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.49, 82, 88 et 121, j.Sopinka (pour la majorité) et au para.158, j. Gonthier (pour la majorité).
[67] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.92, j.Sopinka (pour la majorité).
[68] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.80, j.Sopinka (pour la majorité).
[69] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.49, j.Sopinka (pour la majorité).
[70] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.88, j.Sopinka (pour la majorité).
[71] R. c. Mara, [1997] 2 R.C.S. 630 au para.35, j. Sopinka (pour la Cour).
[72] R. c. Labaye, [2005] 3 R.C.S. 728 au para.132, j. Bastarache et Lebel (dissidents).
[73] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.100, j.Sopinka (pour la majorité).
[74] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.49, 82, 88 et 121, j.Sopinka (pour la majorité).
[75] Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission),  [2000] 2 R.C.S. 307 au para.86, j. Bastarache (pour la majorité).
[76] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.136-137, j. Sopinka (pour la majorité) ; Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.200, j. McLachlin (dissidente).
[77] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.137 et 175, j. Sopinka (pour la majorité).
[78] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.147, j. Sopinka (pour la majorité).
[79] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.140, 148-149 et 174, j. Sopinka (pour la majorité). Voir aussi Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.186, j. Sopinka (pour la majorité) ; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.45, j. Dickson (pour la majorité).
[80] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.137, j. Sopinka (pour la majorité).
[81] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.150, j. Sopinka (pour la majorité).
[82] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.150, j. Sopinka (pour la majorité) au para.197 et 200, j. McLachlin (dissidente) au para.231, j. Cory (dissident).
[83] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.129, 140, 148-149 et 174, j. Sopinka (pour la majorité).
[84] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.129, 140, 148-149 et 174, j. Sopinka (pour la majorité).
[85] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.129, j. Sopinka (pour la majorité).
[86] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.168, j. Sopinka (pour la majorité).
[87] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.173, j. Sopinka (pour la majorité).
[88] A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille, [2009] 2 R.C.S. 181 au para.137, j. McLachlin (motifs concordants).
[89] A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille, [2009] 2 R.C.S. 181 au para.137, j. McLachlin (motifs concordants).
[90] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.137, j. Sopinka (pour la majorité).
[91] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.150, j. Sopinka (pour la majorité).
[92] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.150, j. Sopinka (pour la majorité).
[93] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.129, 140, 148-149 et 174, j. Sopinka (pour la majorité).
[94] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.129, 140, 148-149 et 174, j. Sopinka (pour la majorité).
[95] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.168, j. Sopinka (pour la majorité).
[96] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.173, j. Sopinka (pour la majorité).
[97] À l'exception de deux catégories problématiques de matériel : R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.110, j. McLachlin (pour la majorité).
[98] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.110, j. McLachlin (pour la majorité).
[99] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.34 et 74, j. McLachlin (pour la majorité).
[100] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.82, j. McLachlin (pour la majorité).
[101] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.93, j. McLachlin (pour la majorité).
[102] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.92, j. McLachlin (pour la majorité).
[103] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.213 et 242, j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents).
[104] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.92, j. McLachlin (pour la majorité) ; R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.158, 213 et 242, j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents).
[105] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.92, j. McLachlin (pour la majorité).
[106] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.242, j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents).
[107] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.158, j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents).
[108] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.158, 213 et 242, j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents).
[109] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.124, j. McLachlin et Major (pour la majorité).
[110] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.153, j. McLachlin et Major (pour la majorité).
[111] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.130, j. McLachlin et Major (pour la majorité).
[112] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.152, j. McLachlin et Major (pour la majorité).
[113] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.159, j. McLachlin et Major (pour la majorité).
[114] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.45, j. Deschamps (pour la majorité).
[115] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.99-100, j. Deschamps (pour la majorité).
[116] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.242, 256-257 et 265, j. Binnie et Lebel (dissidents).
[117] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.273, j. Binnie et Lebel (dissidents). Pour une signification des termes « valeurs démocratiques, ordre public et bien-être général du public », voir Chiasson et Commission des droits de la personne du Québec c. Centre d'accueil Villa Plaisance, [1995] J.T.D.P.Q. no 35 au para.68-71.
[118] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.168 et 235, j. Binnie et Lebel (dissidents).
[119] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.241, j. Binnie et Lebel (dissidents).
[120] Préambule de la Charte québécoise. Voir aussi Québec (curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand,  [1996] 3 R.C.S. 211 au para.100, j. l'Heureux-Dubé (pour la Cour).
[121] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.277, j. Binnie et Lebel (dissidents).
[122] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665 au para.34, j. l'Heureux-Dubé (pour la Cour) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 142006 Canada inc. (Caverne grecque), [2012] J.T.D.P.Q. no 14 au para.50.
[123] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.269 et 273, j. Binnie et Lebel (dissidents). Comme l'affirmait les juges Iacobucci et Cory (dissidents) dans l'arrêt R c. Zundel, l'intérêt public consiste notamment à préserver et à promouvoir les valeurs d'égalité, de liberté et de dignité humaine : R. c. Zundel, [1992] 2 R.C.S. 731 au para.148, j. Iacobucci et Cory (dissidents).
[124] Micheline Patenaude, Droits et libertés de la personne : Guide d'étude (à lire avant de commencer l'étude), 2e ed., Sainte-Foy, Presses de l'Université Laval, 2000 à la p.16. Dans l'arrêt Gosselin c. Québec (2002), le juge Bastarache (dissident) soulignait qu'une interprétation téléologique de la Charte est influencée par une préoccupation dominante pour la dignité humaine : Gosselin c. Québec (Procureur général), [2002] 4 R.C.S. 429 au para.214, j. Bastarache (dissident).
[125] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para. 274, 275, 277 et 278 j. Binnie et Lebel (dissidents).
[126] Voir, par exemple, la définition de la dignité humaine dans l'arrêt Law c. Canada : Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497 au para.51, j. Iacobucci (pour la Cour). Dans l'arrêt R. c. Salituro (1991), le juge Iacobucci (pour la Cour) affirmait ceci : « Si nos attentes à l'égard d'une société fondée sur le respect de la dignité de la personne humaine doivent avoir un sens, nous devons encourager et protéger toutes les personnes, dans l'exercice de leurs droits et de leurs responsabilités en tant que membres égaux de notre société » :  R. c. Salituro, [1991] 3 R.C.S. 654 au para.52, j. Iacobucci (pour la Cour).
[127] L'article 36(1)(c) de la partie III de la loi constitutionnelle de 1982 précise que « les gouvernements fédéral et provinciaux s'engagent à : (...) c) fournir à tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels » [nos italiques]. À ce sujet, voir Commission de réforme du droit du Canada, Le statut juridique de l'administration fédérale, Document de travail 40, Ottawa, Commission de réforme du droit du Canada, 1985 à la p.44.
[128] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para. 274, j. Binnie et Lebel (dissidents).
[129] Plusieurs arrêts antérieurs de la Cour suprême du Canada insistent sur l'interprétation téléologique des Chartes : « Lorsque les tribunaux interprètent et appliquent la Charte, ils doivent veiller à ce qu’elle ne devienne pas simplement l’instrument dont se serviront les plus favorisés pour écarter des lois dont l’objet est d’améliorer le sort des moins favorisés » : R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713 au para.141, j. Dickson (pour la majorité) ; Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038 au para.16, j. Dickson (pour la majorité) ; R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154 au para.170-173, j. Cory et l'Heureux-Dubé (pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.86, j. La Forest (pour la Cour) ; R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.133, j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents). Voir aussi Beverley McLachlin, « The Charter 25 years later : the good, the bad, and the challenges » (2007) 45:2 Osgoode Hall Law Journal 365 à la p.375. L'importance d'assurer un équilibre entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels est garanti par l'article 26 de la Charte canadienne : Commission de réforme du droit du Canada, Le statut juridique de l'administration fédérale, Document de travail 40, Ottawa, Commission de réforme du droit du Canada, 1985 à la p.45.
[130] Victor V. Ramraj, « Keegstra, Butler, and positive liberty : a glimmer of hope for the faithful » (1993) 51:2 U. Toronto Fac. L. Rev. 304 aux pp.324-325.
[131] Victor V. Ramraj, « Keegstra, Butler, and positive liberty : a glimmer of hope for the faithful » (1993) 51:2 U. Toronto Fac. L. Rev. 304 aux pp.324-325.
[132] Caroline Hodes, « Dignity and the conditions of truth : what equality needs from Law » (2007) 19 Can. J. Women & L. 273 à la p.275.
[133] Victor V. Ramraj, « Keegstra, Butler, and positive liberty : a glimmer of hope for the faithful » (1993) 51:2 U. Toronto Fac. L. Rev. 304 à la p.329. L'égalité est l'une des valeurs centrales de la Charte canadienne et occupe une place centrale dans l'analyse de son article 1 : R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.75-76, j. Dickson (pour la majorité).
[134] James Hendry, « Section 7 and social justice » (2009-2010) 27 N.J.C.L. 93 la p.106.
[135] Andrew Petter, « Canada's Charter Flight : Soaring Backwards into the Future » (1989) 16:2 Journal of law and society 151 aux pp.152 et 161 ; Andrew Petter, « Wealthcare : The Politics of the Charter Re-visited », in Colleen M. Flood, Lorne Sossin and Kent Roach, dir., Access to Care, Access to Justice : The Legal Debate Over Private Health Insurance in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 2005 à la p.128 ; François Rocher et Daniel Salé, « Charte et société : vers un nouvel ordre politique canadien ? » (1991) 20 Politique 35 aux pp.56-57 et 60.

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