2.1.2. La dignité comme limite raisonnable à la
liberté
Le
respect de la liberté individuelle, qui repose sur le respect de la dignité
humaine, est, selon la Cour, le « précepte central de l'ordre juridique et
moral » de notre pays depuis l'adoption de la Charte canadienne[1]. Mais
cette liberté n'est pas absolue. En effet, il est généralement reconnu que la
liberté et les droits de chacun se terminent là où commencent ceux des autres[2]. Comme l'affirme Peter Leuprecht,
« les droits de I'homme ne doivent
jamais devenir un instrument de domination ou d'écrasement d'autrui. La liberté
à laquelle nous aspirons n'est pas celle du libre renard dans un poulailler »[3]
Pour cette raison, la Commission de réforme du droit du Canada, citée par la
juge l'Heureux-Dubé (pour la Cour) dans l'arrêt Cloutier c. Langlois, insiste sur l'idée que « pour sauvegarder la
liberté, il est parfois nécessaire de la restreindre par le moyen
d'interdictions »[4]. De
plus, comme le souligne le juge Gonthier (pour la majorité) dans l'arrêt R c. Jobidon (1991), l'autonomie (la
liberté) « n'est pas la seule valeur que notre droit cherche à protéger »[5]. Par
conséquent, la liberté ne peut se concevoir sans référence aux autres valeurs
essentielles d'une société libre et démocratique. Dans l'arrêt R c. Oakes (1986), le juge Dickson (pour
la majorité) énumérait d'une manière non exhaustive[6], les
principales valeurs d'une société libre et démocratique lesquelles comprennent outre
« les garanties énumérées dans la Charte »[7], « le
respect de la dignité inhérente de l'être humain, la promotion de la justice et
de l'égalité sociales, l'acceptation d'une grande diversité de croyances, le
respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions
sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des
groupes dans la société »[8]. Ces
valeurs essentielles à une société libre et démocratique, parmi lesquelles
figure au premier plan la dignité humaine[9], ne
méritent pas toutes le même poids et varieront en importance selon les
circonstances[10]. Elles «
sont à l'origine des droits et libertés garantis par la Charte et constituent
la norme fondamentale en fonction de laquelle on doit établir qu'une
restriction d'un droit ou d'une liberté constitue, malgré son effet, une limite
raisonnable dont la justification peut se démontrer »[11]. Elles
servent donc à la fois à garantir les droits énoncés dans la Charte canadienne et, lorsque cela est
indiqué, à justifier une restriction à ces droits[12]. Les
droits et libertés garantis par la Charte
canadienne n'étant pas absolus[13], l'article
1 de la Charte canadienne prévoit que
les droits et libertés peuvent être
restreints par une règle de droit, « dans des limites qui soient raisonnables
et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre
et démocratique ». Il est, en effet, parfois nécessaire de restreindre
des droits pour atteindre des objectifs sociaux importants[14] ou pour
protéger d'autres droits[15]. Comme
le souligne la juge Wilson (pour la majorité) dans l'arrêt R c. Morgentaler (1988) :
« La Charte est fondée sur une conception
particulière de la place de l'individu dans la société. Un individu ne
constitue pas une entité totalement coupée de la société dans laquelle il vit.
Cependant l'individu n'est pas non plus un simple rouage impersonnel d'une machine
subordonnant ses valeurs, ses buts et ses aspirations à celles de la
collectivité. L'individu est un peu les deux. La Charte exprime cette réalité en laissant un vaste champ
d'activités et de décisions au contrôle légitime du gouvernement, tout en fixant
des bornes à l'étendue appropriée de ce contrôle » [nos soulignés][16].
La valeur de dignité humaine fut parfois invoquée
comme objectif valide, urgent et réel afin de justifier, en vertu de l'article
1 de la Charte canadienne, une limite
raisonnable à la restriction d'un droit ou d'une liberté fondamental.
La
valeur de dignité humaine fut invoquée dans l'arrêt R c. Keegstra (1990) afin de justifier, en vertu de l'article 1 de
la Charte canadienne, une limite
raisonnable à la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne[17]. Dans
cet arrêt, le juge Dickson (pour la majorité) s'est penché sur la
constitutionnalité de l'article 319(2) du Code
criminel interdisant la propagande haineuse. Il a d'abord vérifié la
compatibilité de la propagande haineuse avec les valeurs fondamentales de la
liberté d'expression et a jugé que la propagande haineuse ne faisait pas partie
de ces valeurs[18] et
qu'elle ne devait donc pas bénéficier d'une grande protection lors de l'analyse
en vertu de l'article 1 de la Charte
canadienne[19]. Bien
que la liberté d'expression qui touche au domaine politique et qui permet une
pleine participation au processus démocratique soit étroitement liée à la
dignité humaine[20], le juge
Dickson a insisté sur le fait que la liberté d'expression ne peut prétendre
servir la dignité humaine lorsqu'elle est exercée, comme dans le cas de la
propagande haineuse, de manière à subvertir le processus démocratique et à
affaiblir notre engagement envers la démocratie[21] en
véhiculant et en répandant des idées contraires aux valeurs démocratiques[22]. Le juge
Dickson a donc conclu que l'interdiction de propagande haineuse portait
atteinte à la liberté d'expression, mais qu'elle constituait une limite
raisonnable qui se justifie dans une société libre et démocratique[23]. En
effet, l'objectif visé par l'article 319(2) du Code criminel de prévenir un préjudice réel découlant de la
propagande haineuse était suffisamment important, urgent et réel pour justifier
une atteinte à la liberté d'expression[24]. Comme
préjudice, l'interdiction visait notamment à prévenir une atteinte à la dignité
humaine que le juge Dickson (pour la majorité) définit comme un sentiment
d'exclusion, d'humiliation et d'avilissement que ressent l'individu visé par la
propagande haineuse et qui s'accompagne d'un profond effet négatif sur l'estime
de soi[25]. Le juge
Dickson précise :
« À mon avis, il est normal qu'un individu visé
par une propagande haineuse se sente humilié et avili. En effet, le sentiment
de dignité humaine et d'appartenance à l'ensemble de la collectivité est
étroitement lié à l'intérêt et au respect témoignés à l'égard des groupes
auxquels appartient l'individu (voir I. Berlin, "Deux conceptions de la
liberté", dans Éloge de la liberté (1988), 167, aux pp. 202 et 203). La
dérision, l'hostilité et les injures encouragées par la propagande haineuse ont
en conséquence un profond effet négatif sur l'estime de soi et sur le sentiment
d'être accepté. Cet effet peut amener les membres du groupe cible à des
réactions extrêmes (...) Ces conséquences sont graves dans une nation dont la
fierté est d'être tolérante et de favoriser la dignité humaine, notamment en
respectant les nombreux groupes raciaux, religieux et culturels de notre
société »[26].
Selon le juge Dickson, l'interdiction de la propagande
haineuse vise également à préserver une valeur étroitement liée à la dignité
humaine et fondamentale dans une société libre et démocratique à savoir
l'égalité de tous[27]. Il
affirme :
« Le message véhiculé par l'activité
expressive visée au par. 319(2) est que les membres de groupes identifiables ne
doivent pas avoir un statut d'égalité dans la société, et ne sont pas des êtres
humains qui méritent le même respect, la même déférence et la même
considération que les autres. Le tort causé par un tel message est en conflit
direct avec les valeurs essentielles à une société libre et démocratique et, en
restreignant la fomentation de la haine, le Parlement cherche donc à renforcer
la notion de respect mutuel, indispensable dans une nation qui vénère le
principe de l'égalité de tous » [nos soulignés][28].
En
somme, la liberté d'expression peut, selon qu'elle favorise ou défavorise une
pleine participation au processus démocratique, à la fois servir ou desservir
la dignité humaine en renforçant ou en minant le sentiment d'appartenance à
l'ensemble de la collectivité. C'est pourquoi la dignité humaine, comme valeur
d'une société libre et démocratique, peut parfois servir à justifier en vertu
de l'article 1 de la Charte canadienne
une limite raisonnable à la liberté d'expression lorsque celle-ci est exercée
de manière à miner les valeurs démocratiques et à défavoriser une pleine
participation au processus démocratique. Le juge Dickson (pour la majorité) a,
dans cet arrêt, reconnu à la dignité humaine deux sens différents. D'une part,
il parle du « sentiment de dignité humaine » qui se traduit par un sentiment
d'appartenance à l'ensemble de la collectivité et un besoin inhérent et
universel de reconnaissance[29]. Dans
cette première acception du terme, la dignité insiste sur le droit de tout
citoyen de participer au processus démocratique et sur le sentiment légitime
que tout être humain a d'être reconnu à part entière et d'être respecté pour ce
qu'il est par une collectivité qui cultive la tolérance et qui respecte les
différences[30]. Cette
première acception du terme dignité qui insiste sur la capacité de tout citoyen
de participer pleinement à la société et au processus démocratique est
étroitement liée à la liberté positive[31]. La
propagande haineuse brime la liberté positive d’une catégorie de citoyens en
les empêchant de participer au processus démocratique et aux décisions de
société qui affectent leur liberté[32]. D'autre
part, le juge Dickson soutient implicitement que la dignité humaine sous-tend
la valeur d'égalité. En effet, en reprenant à son compte la définition du droit
à l'égalité de l'arrêt Andrews c. Law
Society of British Columbia (1989), il définit l'égalité comme signifiant
que tous les êtres humains méritent le même respect, la même déférence et la
même considération[33]. Or
cette définition du droit à l'égalité, comme nous le verrons au point 2.1.3.1,
découle de la dignité humaine, c'est-à-dire de la reconnaissance préalable de
l'égale valeur intrinsèque de tous les êtres humains[34]. Si tous
les êtres humains ont une égale valeur intrinsèque et que tous ont, pour cette
raison, droit au même respect et à la même considération alors l'égalité ne
peut demeurer formelle au sens d'un traitement identique pour tous. Conséquemment,
seule une égalité réelle est conforme à la dignité humaine. Dans cette deuxième
acception du terme, la dignité humaine insiste donc sur le principe d'égalité
réelle que nous développerons davantage au point 2.1.3.1.
La
valeur de dignité humaine fut également invoquée dans le Renvoi relatif à l'article 193 et 195.1(1)(c) du Code criminel
(1990), afin de justifier, en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne, une limite raisonnable à la liberté d'expression
garantie par l'article 2b) de la Charte
canadienne. Dans ce renvoi, la Cour s'est penchée sur le problème de la
prostitution. D'emblée, la Cour précise qu'au Canada la prostitution n'est pas
en soi interdite[35] et que
seule la sollicitation en public l'est[36]. Elle
poursuit en se prononçant sur la constitutionnalité des articles 193 et
195.1(1)(c) du Code criminel
interdisant respectivement la tenue d'une maison de débauche et la
sollicitation en public à des fins de prostitution. Elle jugea que
l'interdiction de sollicitation à des fins de prostitution portait atteinte à
la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne, mais qu'elle constituait, en vertu de l'article
1 de la Charte canadienne, une limite
raisonnable qui se justifie dans une société libre et démocratique[37]. Selon
le juge Lamer (pour la majorité), l'objectif de l'article 195.1(1)(c) du Code criminel est de contrôler la
prostitution "de rue"[38] afin de mettre
un frein à la nuisance qu'entraîne la sollicitation dans un endroit public[39]. Cette
disposition vise également, selon lui[40], à
empêcher « que des jeunes personnes vraisemblablement vulnérables et
impressionnables soient exposées à une
activité qui constitue à plusieurs égards une exploitation dégradante et, dans
certains cas, dangereuse » [nos
italiques][41]. Au
soutien de ses propos, il cite le Conseil consultatif de l'Ontario sur le
statut de la femme qui soutient également que la prostitution est une forme de
violence, d'exploitation, de domination et d'abus de pouvoir contre les femmes[42]. Selon
le juge Lamer, cet objectif législatif qui vise à protéger les jeunes personnes
vulnérables et impressionnables contre l'exposition à une activité qui
constitue une exploitation dégradante et dangereuse est donc manifestement
urgent et réel[43] d'autant
que la prostitution, en tant qu'elle exploite la position désavantagée et
inégale de la femme dans notre société[44],
constitue selon lui une forme d'esclavage[45] qui avilit
la dignité personnelle des prostituées[46]. Ce
jugement de valeur concernant le caractère avilissant, néfaste et attentatoire
à la dignité humaine de la prostitution est partagé par la juge Wilson
(dissidente)[47]. Il
convient également de noter que le caractère attentatoire à la dignité humaine
de la prostitution est également partagé par la juge McLachlin (dissidente)
dans l'arrêt R. c. Hess (1990)[48], qui
considère la prostitution comme néfaste et comme une forme d'esclavage pour les
jeunes filles, et par les juges Bastarache et Lebel (dissidents) dans l'arrêt R c. Labaye (2005)[49] qui
affirment que l'exploitation commerciale d'activités sexuelles va à l'encontre
des valeurs canadiennes d'égalité, de liberté et de dignité humaine. Ils
affirment :
« (...) Les actes sexuels associés à un
échange commercial ont une incidence sur la tolérance de la société, notamment
parce que ce type d’échange dénote une exploitation et une perte de dignité ou
d’autonomie des personnes impliquées[50] (...) Les Canadiens ne sont pas
portés à tolérer l’exploitation commerciale d’activités sexuelles, puisque cela
va à l’encontre de plusieurs valeurs de la société canadienne telles l’égalité,
la liberté, et la dignité de la personne » [nos soulignés][51].
En
somme, l'interdiction de sollicitation à des fins de prostitution porte
atteinte à la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne, mais se justifie en
vertu de l'article 1 de la Charte
canadienne afin d'empêcher que des personnes vraisemblablement vulnérables
et impressionnables soient exposées à une activité qui constitue une
exploitation dégradante, dangereuse qui avilit la dignité humaine. Selon les
juges Lamer (pour la majorité) et Wilson (dissidente) la dignité humaine est
étroitement liée à l'égalité. En effet, ils soutiennent qu'en tant qu'activité
qui exploite la position désavantagée et inégale de la femme dans notre
société, la prostitution avilit la dignité personnelle des prostituées[52]. Le juge
Lamer ajoute que la prostitution constitue une forme d'esclavage[53],
d'exploitation dégradante et dangereuse[54] où règne
la violence, l'oppression, la domination et l'abus de pouvoir[55].
Les
valeurs d'égalité et de dignité humaine furent également invoquées dans l'arrêt
R c. Butler (1992) afin de justifier,
en vertu de l'article 1 de la Charte
canadienne, une limite raisonnable à la liberté d'expression garantie par
l'article 2b) de la Charte canadienne[56]. Dans
cet arrêt, la Cour s'est penchée sur la constitutionnalité de l'article 163 du Code criminel portant sur la corruption
des moeurs. L'appelant, propriétaire d'une boutique faisant la vente de
matériel pornographique, fut accusé sous divers chefs d'accusation, dont ceux
de vente et de possession de matériel obscène. L'article 163(8) du Code criminel disposait qu'une
publication est réputée obscène lorsque l'une des caractéristiques dominantes
est l'exploitation indue des choses sexuelles. Une exploitation sexuelle est
indue si elle ne respecte pas « le critère de la "norme sociale de
tolérance" »[57]. Selon
la Cour, du matériel dégradant ou déshumanisant qui place des femmes en état de subordination, de
soumission ou d'humiliation est nocif pour la société[58] et ne
respecte donc pas ce critère de tolérance[59]. Pour
déterminer si du matériel est dégradant ou déshumanisant, l'apparence de
consentement des participants n'est pas nécessairement déterminante[60], car la
norme sociale de tolérance est fonction du risque de préjudice causé à la
société et non aux participants[61]. Ainsi,
plus le matériel risque de prédisposer une personne à agir de façon antisociale[62], plus il
y a de chance, si ce risque est suffisamment important[63], qu'il
soit incompatible avec le bon fonctionnement de la société et de constituer une
exploitation indue qui outrepasse la norme sociale de tolérance[64]. En
restreignant la communication de certains types de matériel en fonction de leur
contenu et en interdisant certains types d'activités expressives, l'article
163(8) du Code criminel viole
indubitablement la liberté d'expression garantie à l'article 2b) de la Charte canadienne[65].
Néanmoins, la Cour reconnaît que l'objectif visé par l'article 163(8) du Code criminel, de prévenir que des
préjudices ne soient causés à la société tel que des actes antisociaux ou une
atteinte sérieuse aux valeurs fondamentales de la société telles que la dignité
humaine et l'égalité[66], est
suffisamment urgent et réel pour justifier une atteinte à la liberté
d'expression[67]. En
effet, le Parlement a le droit « de légiférer en se fondant sur une certaine
conception fondamentale de la moralité aux fins de protéger les valeurs qui
font partie intégrante d'une société libre et démocratique »[68]. Le juge
Sopinka (pour la majorité) souligne non seulement que le matériel dégradant ou
déshumanisant qui place les femmes dans un état de subordination et de
soumission et qui les représente comme une catégorie d'objets d'exploitation
est contraire aux principes d'égalité et de dignité humaine, mais également que
le consentement des participants n'est pas déterminant et ne peut sauvegarder
du matériel dégradant ou déshumanisant. Il laisse ainsi sous-entendre qu'un
consentement libre et éclairé ne peut justifier un renoncement à la dignité
humaine :
« (...) Le matériel dégradant ou déshumanisant
place des femmes (et parfois des hommes) en état de subordination, de
soumission avilissante ou d'humiliation. Il est contraire aux principes
d'égalité et de dignité de tous les êtres humains. Pour déterminer si du
matériel est dégradant ou déshumanisant, l'apparence de consentement n'est pas
nécessairement déterminante. Le consentement ne saurait permettre de
sauvegarder du matériel qui, par ailleurs, renferme des scènes dégradantes ou
déshumanisantes. Parfois, l'apparence même de consentement rend les actes
représentés encore plus dégradants ou déshumanisants[69] (...) Comme l'indique aussi le juge Anderson dans la même affaire, si l'on
veut parvenir à une véritable égalité entre les hommes et les femmes, on ne
peut ignorer la menace que présente pour l'égalité le fait d'exposer le public
à certains types de matériel violent et dégradant. Le matériel qui
représente les femmes comme une catégorie d'objets d'exploitation et d'abus
sexuels a une incidence négative sur [TRADUCTION] "la valorisation
personnelle et l'acceptation de soi" » [nos soulignés][70].
Cette idée selon laquelle le consentement des
participants ne peut sauvegarder du matériel dégradant ou déshumanisant a été
réitérée à nouveau dans les arrêts R c.
Mara (par le juge Sopinka pour la Cour)[71] et R c. Labaye (par les juges dissidents)[72].
En
somme, l'interdiction frappant la vente de matériel obscène porte atteinte à la
liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne, mais se justifie en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne afin de prévenir que
des préjudices ne soient causés à la société tel que des actes antisociaux ou
une atteinte aux valeurs fondamentales de dignité humaine et d'égalité. Le juge
Sopinka (pour la majorité) soutient dans cet arrêt que la dignité humaine est étroitement
liée à la valeur d'égalité. Il affirme, en effet, que le matériel dégradant ou
déshumanisant qui place les femmes dans un état de subordination et de
soumission et qui les représente comme une catégorie d'objets d'exploitation
porte atteinte, de manière analogue à la propagande haineuse[73], aux
valeurs fondamentales d’égalité et de dignité humaine sur lesquelles reposent
notre vision de la société canadienne[74]. Il
insiste également sur l'idée que le consentement des participants ne peut
sauvegarder du matériel dégradant, déshumanisant et contraire aux valeurs
d'égalité et de dignité humaine. En d'autres termes, une personne ne peut
librement consentir à renoncer à la dignité humaine, car bien que la liberté
soit une valeur étroitement liée à la dignité humaine, elle n'est pas la seule
valeur que la dignité humaine cherche à protéger. La valeur d'égalité qui
découle également de la dignité humaine constitue en quelque sorte une limite
infranchissable à la liberté. En ce sens, tous les êtres humains sont égaux et
nul ne peut consentir librement à se laisser dominer et exploiter sans porter
atteinte à la dignité humaine.
L'arrêt
Rodriguez c. Colombie-Britannique
(1993) portant sur l'aide médicale au suicide est également important pour
comprendre le sens du concept juridique de dignité humaine. Bien que dans cet
arrêt la dignité humaine n'ait pas été invoquée directement pour justifier une
restriction au droit à la sécurité et à la liberté de mettre fin à ses jours
dans le contexte des décisions en fin de vie, elle se profile derrière le
raisonnement de la Cour. La décision d'une personne de mettre fin à ses jours
dans un contexte de fin de vie est sans aucun doute essentielle à l'autonomie
et à la « dignité individuelle »[75] et est,
pour cette raison, protégée par le droit à la sécurité[76] garanti
par l'article 7 de la Charte canadienne.
Cependant, le juge Sopinka (pour la majorité) jugea que l'interdiction de
l'aide au suicide qui portait atteinte au droit à la sécurité était néanmoins
conforme aux principes de justice fondamentale[77]. Selon
le juge Sopinka, une restriction à un droit qui sert une fin valable et qui
promeut l'intérêt de l'État (quel qu'il puisse être) n'est pas arbitraire et ne
constitue donc pas une violation des principes de justice fondamentale[78]. Selon
le juge Sopinka, l'interdiction de l'aide au suicide sert une fin valable et
promeut l'intérêt légitime qu'a l'État de protéger la vie humaine et les
personnes vulnérables[79] et n'est
donc pas arbitraire. En filigrane de cette décision se profilent deux
conceptions opposées de la dignité humaine. D'une part, le juge Sopinka affirme
que l'interdiction de l'aide au suicide porte atteinte au droit à la sécurité[80] et incidemment
aux valeurs qui le sous-tend à savoir l'autonomie personnelle et la « dignité
de la personne »[81]. Dans
cette première conception, la dignité humaine protège la liberté ou l'autonomie
individuelle[82]. D'autre
part, il soutient que cette atteinte au droit à la sécurité et à la « dignité
de la personne » est conforme aux principes de justice fondamentale en ce
qu'elle sert une fin valable et l'intérêt légitime qu'à l'État de protéger les
personnes vulnérables et la valeur intrinsèque de la vie humaine que sous-tend
la « dignité inhérente de tout être humain »[83]. Dans
cette deuxième conception, la dignité humaine protège la vie humaine et les
personnes vulnérables[84]. À ce
propos, il dit :
« En tant que membres d'une société fondée sur
le respect de la valeur intrinsèque de la vie humaine et sur la dignité
inhérente de tout être humain, pouvons-nous insérer dans la Constitution, qui
consacre nos valeurs les plus fondamentales, le droit de mettre fin à sa propre
vie dans toutes circonstances ? Cette question soulève à son tour d'autres
interrogations qui sont d'importance fondamentale, telle la mesure dans
laquelle notre conception du caractère sacré de la vie comprend également des
notions de qualité de la vie » [nos soulignés][85].
Il résout le conflit entre ces deux conceptions
différentes de la dignité humaine en accordant préséance à la « dignité
inhérente de tout être humain ». Il souligne en effet que le Canada et les
démocraties occidentales considèrent le caractère sacré de la vie et incidemment
la « dignité inhérente de tout être humain » comme le principe et les notions
d'autonomie personnelle et de « dignité de la personne » comme l'exception. Il
affirme :
« L'examen qui précède démontre que le Canada
et d'autres démocraties occidentales reconnaissent et appliquent le principe du
caractère sacré de la vie à titre de principe général soumis à des exceptions
circonscrites et restreintes dans les cas où les notions d'autonomie
personnelle et de dignité doivent prévaloir. Toutefois, ces mêmes sociétés persistent
(...) à interdire l'aide au suicide dans des cas qui s'apparentent à celui de
l'appelante[86] (...) S'il se dégage un consensus, c'est celui que la vie humaine doit
être respectée et nous devons nous garder de miner les institutions qui la
protège » [nos soulignés][87].
Cet arrêt démontre que le droit à la liberté et à la
sécurité (et les notions d'autonomie et de « dignité de la personne » qu'il
sous-tend) n'est pas absolu même pour les adultes[88] et qu'il
peut être restreint si cette restriction sert une fin valable (promeut un
intérêt véritable de l'État tel que la protection des personnes vulnérables et
de la valeur intrinsèque de la vie humaine que sous-tend la « dignité inhérente
de tout être humain ») et repose sur des motifs rationnels et non arbitraires.
À ce propos, la juge en chef McLachlin (pour la majorité) affirme dans l'arrêt A.C. c. Manitoba (2009) :
« Dans Rodriguez c.
Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519, les juges
s’accordaient globalement pour dire que le droit conféré par l’art. 7 de
prendre des décisions concernant son corps et sa vie peut être restreint par la
loi compte tenu d’autres intérêts opposés de la société. Dans cette affaire,
l’intérêt opposé de la société était la protection des personnes vulnérables
susceptibles d’être amenées par la coercition à mettre un terme à leur vie
prématurément (...) tous les juges de la Cour qui ont abordé cette question
ont accepté que les limites à l’autonomie personnelle qui font progresser un
intérêt véritable de l’État ne contreviennent pas à l’art. 7 s’il est démontré
qu’elles reposent sur des motifs rationnels et non arbitraires » [nos soulignés][89].
En
somme, l'interdiction de l'aide au suicide porte atteinte au droit à la
sécurité garanti par l'article 7 de la Charte
canadienne, mais est conforme aux principes de justice fondamentale. En
effet, une restriction à un droit qui sert une fin valable (promeut un intérêt
véritable de l'État tel que la protection des personnes vulnérables et de la
valeur intrinsèque de la vie humaine que sous-tend la « dignité inhérente de
tout être humain ») et repose sur des motifs rationnels et non arbitraires
n'est pas arbitraire et ne constitue donc pas une violation des principes de
justice fondamentale. Or cette restriction au droit à la sécurité sert une fin
valable et promeut un intérêt véritable de l'État de protéger les personnes
vulnérables et la vie humaine. En filigrane de cette décision se profilent deux
conceptions opposées de la dignité humaine. D'une part, le juge Sopinka affirme
que l'interdiction de l'aide au suicide porte atteinte au droit à la sécurité[90] et
incidemment aux valeurs qui le sous-tend à savoir l'autonomie personnelle et la
« dignité de la personne »[91]. Dans
cette première conception, la dignité humaine protège la liberté ou l'autonomie
individuelle[92]. D'autre
part, il soutient que cette atteinte au droit à la sécurité et à la « dignité
de la personne » est conforme aux principes de justice fondamentale en ce
qu'elle sert l'intérêt légitime qu'à l'État de protéger les personnes
vulnérables et la valeur intrinsèque de la vie humaine que sous-tend la «
dignité inhérente de tout être humain »[93]. Dans
cette deuxième conception, la dignité humaine protège la valeur intrinsèque de
la vie humaine et les personnes vulnérables[94]. Ces
deux conceptions de la dignité conduisent à des résolutions différentes du
litige. La première conception milite en faveur de la levée de l'interdiction
de l'aide au suicide alors que la deuxième conception milite en faveur du
maintien de l'interdiction de l'aide au suicide. Le juge Sopinka résout ce
conflit en accordant préséance à la deuxième conception de la dignité humaine
en soulignant que le Canada et les autres démocraties occidentales considèrent
la valeur intrinsèque de la vie humaine et la dignité inhérente de tout être
humain comme le principe et l'autonomie personnelle et la dignité de la
personne comme l'exception[95]. Il
ajoute que « s'il se dégage un consensus, c'est celui que la vie humaine doit
être respectée » et que « nous devons nous garder de miner les institutions qui
la protège »[96].
Dans
l'arrêt R. c. Sharpe (2001), la Cour
s'est penchée sur la constitutionnalité de l'article 163.1(4) du Code criminel interdisant la possession
de pornographie juvénile. Elle jugea que cette interdiction portait atteinte à
la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne, mais qu'elle constituait, en vertu de l'article
1 de la Charte canadienne, une limite
raisonnable[97] qui se
justifie dans une société libre et démocratique[98].
L'objectif visé par l'article 163.1(4) du Code
criminel de prévenir le préjudice causé aux enfants[99] était
suffisamment important, urgent et réel pour justifier une atteinte à la liberté
d'expression[100]. En
effet, la criminalisation de la possession de pornographie juvénile renforce
les dispositions du Code criminel qui
criminalisent la production et la distribution de cette forme de pornographie
et fournit donc, selon la Cour, une protection supplémentaire contre l'atteinte
à la dignité humaine des enfants qui, lors de la production de pornographie
juvénile, sont souvent sexuellement exploités, avilis et réduits à de simples
objets sexuels[101]. La juge
McLachlin (pour la majorité) affirme :
« La criminalisation de la possession peut
réduire le marché de la pornographie juvénile et l'exploitation des enfants qui
y est souvent associée. Le lien entre la production de pornographie juvénile et
le préjudice causé aux enfants est très fort. L'exploitation a une portée
très étendue et des effets dévastateurs. L'enfant est traumatisé par le fait
qu'il sert d'objet sexuel lors de la production du matériel pornographique. Il
peut être sexuellement exploité et avili. Le traumatisme et l'atteinte à la
dignité peuvent marquer l'enfant pour la vie. Il n'est pas rare que
l'enfant tombe dans la déchéance et se retrouve dans le commerce du sexe »
[nos
soulignés][102].
Les juges l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache
(dissidents) sont également d'avis que cet article vise à protéger et à assurer
le respect de la dignité humaine. Ils affirment :
« La Cour ne doit pas non plus perdre de vue les
autres droits et valeurs démocratiques que le législateur a voulu protéger en
adoptant le par. 163.1(4) du Code criminel. L'interdiction de la possession de
pornographie juvénile est conforme aux valeurs démocratiques essentielles à
notre collectivité, ainsi qu'aux droits garantis aux enfants par la Charte. C'est
une mesure législative qui favorise le respect de la dignité inhérente des
enfants en enrayant le matériel qui les avilit, d'où son utilité pour protéger
les droits des enfants à l'égalité et à la sécurité (...) L'interdiction de la
possession de matériel de ce genre est donc compatible avec les valeurs
consacrées par notre Charte. Elle favorise le respect de la dignité des enfants
et indique qu'ils ont droit à la même considération que tous les autres membres
de la société. À notre avis, le législateur a adopté une mesure législative
raisonnable et justifiée dans une société libre et démocratique [nos soulignés][103].
En
somme, l'interdiction de possession de pornographie juvénile porte atteinte à
la liberté d'expression garantie par l'article 2b) de la Charte canadienne, mais se justifie en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne afin de prévenir que
des préjudices ne soient causés aux enfants. En effet, la criminalisation de la
possession de pornographie juvénile renforce les dispositions du Code criminel qui criminalisent la
production et la distribution de cette forme de pornographie et fournit donc,
selon la Cour, une protection supplémentaire contre l'atteinte à la dignité
humaine des enfants qui, lors de la production de pornographie juvénile, sont
souvent sexuellement exploités, avilis et réduits à de simples objets sexuels.
Tous les juges de la Cour reconnaissent dans cet arrêt que la dignité humaine
est étroitement liée à l'égalité[104]. Selon
la juge McLachlin (pour la majorité), l'exploitation sexuelle et l'avilissement
des enfants de même que le fait de les traiter comme de simples objets sexuels,
compromettent et minent les valeurs fondamentales d'égalité et de dignité
humaine[105]. De
même, les juges dissidents insistent sur le fait que tous les êtres humains
(incluant les enfants) sont égaux et ont droit au même respect et à la même
considération[106]. Selon
eux, la pornographie juvénile exploite l'infériorité des enfants et se nourrit
d'inégalités préexistantes[107]. Pour
cette raison, la pornographie juvénile porte atteinte, selon eux, aux valeurs
d'égalité et de dignité humaine[108].
Dans
l'arrêt Chaoulli c. Québec (2005), la
Cour s'est penchée sur la constitutionnalité des articles 15 de la Loi sur l'assurance maladie et 11 de la Loi sur l'assurance-hospitalisation qui
interdisent de souscrire à une assurance privée pour des soins de santé
couverts par le régime public. Les juges McLachlin et Major (pour la majorité)
soutiennent que, dans un contexte de délais d'attente où l’omission du
gouvernement d’assurer un accès raisonnable à des soins de santé entraîne un
accroissement des risques de complications et de mortalité, cette interdiction
porte atteinte au droit à la vie et à la sécurité garanties par l'article 7 de
la Charte canadienne[109] d'une manière arbitraire qui n'est, par conséquent,
pas conforme aux principes de justice fondamentale[110]. Selon
les juges majoritaires, est arbitraire une règle de droit qui « n’a aucun lien ou est incompatible
avec l’objectif » qu’elle vise[111]. Or
selon les juges majoritaires, l'interdiction de souscrire à des assurances
privées en santé est arbitraire, car elle n'a aucun lien avec son objectif de
préserver le système de santé publique[112].
Finalement, ils soutiennent que cette atteinte n'est pas minimale et qu'elle ne
peut, par conséquent, être justifiée en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne[113]. Dans un
même ordre d'idée, la juge Deschamps (pour la majorité) soutient que cette
interdiction porte atteinte aux droits à la vie et à la sécurité garantis par
l'article 1 de la Charte québécoise[114]. Selon
elle, cette atteinte n'est pas minimale et ne peut donc pas être justifiée par
l'article 9.1 de la Charte québécoise[115]. En
revanche, dans leur analyse de l'article 7 de la Charte canadienne, les juges dissidents (Binnie, Fish et Lebel)
concluent, sur la base de l'ensemble de la preuve recueillie par la juge de
première instance, que cette interdiction n'est pas arbitraire, puisqu'elle
permet de préserver l'intégrité du système public de santé[116]. De
plus, dans leur analyse des articles 1 et 9.1 de la Charte québécoise, les juges dissidents sont d'avis que les droits
garantis par l'article 1 de la Charte
québécoise, et revendiqués par les appelants à l'appui de leur prétention
d'inconstitutionnalité, ne s'exercent pas dans le respect des « valeurs
démocratiques », de « l'ordre public » et du « bien-être général des citoyens
du Québec » (en particulier des moins favorisés) tel que prescrit par l'article
9.1 de la Charte québécoise[117]. Selon
les juges dissidents, les dispositions législatives contestées, qui interdisent
de souscrire à une assurance privée, concernent les droits à la vie et à la
sécurité de tous les citoyens. Bien que ces dispositions puissent porter
atteinte aux droits à la vie et à la sécurité des personnes économiquement plus
favorisées (une minorité de la population) qui disposent des moyens financiers
pour souscrire à une assurance privée, elles sont nécessaires afin de préserver
l'intégrité d'un système de santé publique[118] garant
de la dignité humaine, de l'égalité[119] et du
droit à la vie et à la sécurité de tous les citoyens en particulier des
personnes économiquement moins favorisées qui ne disposent pas des ressources
financières suffisantes pour souscrire à une assurance privée (une majorité de
la population). Étant entendu que « tous
les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une
égale protection de la loi » [nos
italiques][120] alors la
solution que le législateur a tenté d'apporter au problème d'accès aux soins de
santé, en interdisant la souscription à des assurances privées en santé afin de
garantir un système public universel de santé accessible à tous, est, selon les
juges dissidents, conforme à l'esprit du préambule[121] et à
l'objectif général de la Charte
québécoise qui vise « la protection du droit à la dignité et à l'égalité de
tout être humain » [nos italiques][122]. Les
juges dissidents justifient ainsi la restriction des droits à la sécurité des
appelants (qui représente une minorité favorisée) au nom de la dignité humaine
et du bien-être général de TOUS les citoyens du Québec[123]. Cette
justification repose sur une interprétation téléologique[124] qui veut
que les Chartes (canadienne et québécoise) n'aient pas pour but et ne doivent
pas servir à invalider des lois qui visent à améliorer le sort des personnes
moins favorisées en protégeant des droits économiques et sociaux essentiels à
la dignité humaine et garants d'une réelle liberté pour tous :
« Les personnes qui sollicitent une assurance
maladie privée sont celles qui en ont les moyens et qui y sont admissibles. Ce
sont les membres de la société qui sont plus favorisés. Ils se distinguent de
la population générale non pas par leurs problèmes de santé, qui sont communs à
toutes les couches sociales, mais plutôt par leur revenu. Nous partageons l’avis du juge en chef Dickson selon lequel la
Charte canadienne ne doit pas devenir un instrument utilisé par les riches pour
« écarter » les avantages d’un régime législatif qui vient en aide aux membres
plus pauvres de la société (...) Les observations du juge en chef Dickson
deviennent encore plus pertinentes dans le cas de la Charte québécoise en
raison de sa portée générale et de son applicabilité à une vaste gamme de
rapports privés (...) À cet égard, il faut se rappeler que les dispositions
législatives contestées en vertu de l’art. 1 concernent tous les citoyens du
Québec. Elles visent des préoccupations partagées par tous les citoyens ainsi
que des droits appartenant à chacun d’eux. La solution législative
touche non seulement les individus, mais encore la société dont ils font
partie. Il s’agit d’un problème auquel le législateur a tenté d’apporter une
solution acceptable pour tous, conformément à l’esprit du préambule de la
Charte québécoise (...) La preuve que
nous avons examinée plus haut établit que les dispositions contestées faisaient
partie d’un système soucieux de protéger les intérêts de tous, et non de certains
seulement » [nos soulignés][125].
En
somme, l'interdiction de souscrire à une assurance privée pour des soins de
santé couverts par le régime public porte atteinte, selon les juges
majoritaires, au droit à la vie et à la sécurité garantis par les articles 7 de
la Charte canadienne d'une manière
arbitraire qui n'est, par conséquent, pas conforme aux principes de justice
fondamentale et qui ne peut également être justifiée en vertu de l'article 1 de
la Charte canadienne. Ils soutiennent
également que cette interdiction porte une atteinte qui n'est pas minimale aux
droits à la vie et à la sécurité garantis par l'article 1 de la Charte québécoise et qu'elle ne peut
donc pas être justifiée par l'article 9.1 de la Charte québécoise. En revanche, les juges dissidents concluent dans
leur analyse de l'article 7 de la Charte
canadienne que cette interdiction n'est pas arbitraire, puisqu'elle permet
de préserver l'intégrité du système public de santé. De plus, dans leur analyse
des articles 1 et 9.1 de la Charte
québécoise, les juges dissidents sont d'avis que les droits garantis par
l'article 1 de la Charte québécoise, et
revendiqués par les appelants à l'appui de leur prétention
d'inconstitutionnalité, ne s'exercent pas dans le respect des « valeurs démocratiques
», de « l'ordre public » et du « bien-être général des citoyens du Québec » (en
particulier des moins favorisés) tel que prescrit par l'article 9.1 de la Charte québécoise. Par conséquent, selon
les juges dissidents, cette atteinte au droit à la vie et à la sécurité se
justifie au nom des valeurs d'égalité et de dignité humaine et du bien-être
général de TOUS les citoyens du Québec. Étant entendu que « tous les êtres humains sont égaux en valeur
et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi » [nos italiques], alors
TOUS ont droit à ce que leurs intérêts et leurs droits reçoivent une égale
protection[126]. La
solution législative d'interdire la souscription d'assurance privée en santé,
nécessaire selon la preuve pour garantir un système public universel de santé
accessible à tous, respecte et protège les intérêts et les droits de TOUS les
citoyens et pas seulement ceux d'une minorité économiquement favorisée[127]. Par le
recours à une interprétation téléologique, les juges dissidents soulignent que
les Chartes (canadienne et québécoise) n'ont pas pour but et ne doivent pas
servir à invalider des lois qui visent à améliorer le sort des personnes moins
favorisées en protégeant des droits économiques et sociaux essentiels à la
dignité humaine et garants d'une réelle liberté pour tous. Dans cet arrêt, les
juges dissidents insistent donc sur le lien étroit qui unit la dignité humaine
et l'égalité et sur l'importance qui en découle de protéger les personnes
pauvres et défavorisées de la société. Ils soulignent, en effet, que les
tribunaux doivent veiller à ce que les Chartes, qui protègent la liberté
négative essentielle aux personnes favorisées, ne deviennent pas un instrument
pour écarter des lois visant à protéger, par des droits économiques et sociaux,
la liberté positive essentielle aux personnes moins favorisées[128].
Leurs propos font échos à ceux prononcés par le juge Dickson dans des arrêts
antérieurs : « Lorsque les tribunaux interprètent et appliquent la Charte, ils
doivent veiller à ce qu’elle ne devienne pas simplement l’instrument dont se
serviront les plus favorisés pour écarter des lois dont l’objet est d’améliorer
le sort des moins favorisés » [129].
En réaction à ces propos du juge Dickson, Victor V. Ramraj
affirme :
« To
the extent that rights militate against the Charter's underlying vision of
society, they should be limited (...) Dickson C.J.C., in this brief
passage, captures an important truth about the Charter and about the
nature of rights in general : when stripped of their purpose, rights
can be as debilitating as they can be progressive. A right can be used
improperly as a shield from appropriate state intervention or as a sword
against others, or both. An appreciation of the social and
historical context is necessary to determine when to limit the
right. What links rights and
limitations is the notion of positive liberty » [nos soulignés][130].
Ainsi, selon Victor V. Ramraj ce qui lie les droits
garanti par les Chartes et la limite raisonnable qui peut leur être apportée en
vertu de l'article 1 de la Charte
canadienne ou de l'article 9.1 de la Charte
québécoise est la préoccupation commune pour la liberté positive[131]
et pour la valeur d'égalité (liée aux droits économique, sociaux et culturels)[132]
que cette liberté positive permet de réaliser[133].
Malheureusement, la décision majoritaire de l'arrêt Chaoulli
adopte une position libertarienne[134]
et vient confirmer les propos tenus en 1989 par Andrew Petter à l'effet que la Charte canadienne a été et sera sans
doute interprété comme un instrument régressif nuisible aux personnes
vulnérables et désavantagées :
« The Charter is a regressive instrument
more likely to undermine than to advance the cause of ordinary and
disadvantaged Canadians. Seven years of litigation have shown that,
except in criminal cases, the major beneficiaries of Charter rights are
corporations, professionals, and other privileged interest (...) the Charter will tend to serve the interests of
the economically privileged over those of ordinary and disadvantaged Canadians. At best, the Charter will divert progressive energies, inhibit market
regulation, and legitimize prevailing inequalities in wealth and power. At
worst, it will undermine existing programmes and block future reform » [nos
soulignés][135].
Éric Folot, Avocat et Bioéthicien
[2] P. (D.) c. S. (C.), [1993] 4 R.C.S. 141 au para.107, j. l'Heureux-Dubé
(pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du
Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.72, j. La Forest (pour la Cour)
; Université Trinity Western c. British Columbia College of Teachers, [2001] 1 R.C.S. 772 au para.29, j. Iacobucci
et Bastarache (pour la majorité) ; Lavoie
c. Canada, [2002] 1 R.C.S. 769 au para.89, j. Arbour (pour la majorité) ; Syndicat
Northcrest c. Amselem, [2004] 2 R.C.S. 551 au para.61, j. Iacobucci (pour la majorité).
[3] Peter
Leuprecht, « Tous pour les droits de l'homme ? discours et réalité » (1986) Can. Hum. Rts. Y.B. 87 à la p.97.
[4] Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158 au para.57, j. l'Heureux-Dubé
(pour la Cour). La liberté « est limitée de façon inhérente par les droits et
libertés des autres » : P. (D.) c. S. (C.), [1993] 4 R.C.S. 141 au para.107, j.
l'Heureux-Dubé (pour la majorité).
[5] R c. Jobidon, [1991] 2 R.C.S. 714 au para.120, j. Gonthier
(pour la majorité) ; Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.77, j. Lamer
(dissident). Voir aussi Isaiah Berlin, « Two concepts of liberty » in
Henry Hardy, dir., Liberty, Oxford,
Oxford University Press, 2009 aux pp.172, 207 et 215 ; Isaiah Berlin, «
Introduction » in Henry Hardy, dir., Liberty,
Oxford, Oxford University Press, 2009 à la p.48.
[6] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697
au para.45, j. Dickson (pour la majorité) ; R c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668 au
para.67, j. McLachlin et Iacobucci (pour la majorité).
[7] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697
au para.45, j. Dickson (pour la majorité) ; R c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668 au
para.67, j. McLachlin et Iacobucci (pour la majorité).
[8] R. c. Oakes , [1986] 1 R.C.S. 103 au para.64, j. Dickson (pour la majorité)
; Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217 au para.64 (la
Cour).
[9] R. c. Oakes , [1986] 1 R.C.S. 103 au para.64, j. Dickson (pour la majorité)
; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.45 et 61, j.
Dickson (pour la majorité) ; McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 229 au para.97, j. La Forest
(pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du
Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.77, j. La Forest (pour la Cour)
; Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307 au para.76, j. Bastarache (pour la majorité).
[11] R. c. Oakes , [1986] 1 R.C.S. 103 au para.64, j. Dickson (pour la majorité)
; Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038 au para.16 et
23, j. Dickson (pour la majorité) ; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.45, j. Dickson (pour la majorité) ; Ross
c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825
au para.77, j. La Forest (pour la Cour).
[12] Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038 au para.23,
j. Dickson (pour la majorité) ; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.44, j. Dickson (pour la majorité) ; Harvey
c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 2 R.C.S. 876 au
para.37, j. La Forest (pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du district
no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.75, j. La Forest (pour
la Cour).
[13] Comm. Ont. des Droits de la Personne c.
Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 au para.22, j. McIntyre (pour la Cour) ; R.
c. Oakes , [1986] 1 R.C.S. 103 au para.65, j. Dickson (pour la majorité) ;
Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158 au para.57, j. l'Heureux-Dubé (pour
la Cour) ; R. c. Sharpe, [2001] 1
R.C.S. 45 au para.80, j. McLachlin (pour la majorité) ; Terre-Neuve
(Conseil du Trésor) c. N.A.P.E., [2004] 3 R.C.S. 381 au para.53, j.
Binnie (pour la Cour) ; S.L. c. Commission scolaire des Chênes, 2012 CSC 7 au
para.25 et 31, j. Deschamps (pour la majorité). Voir aussi Thomas Nagel, «
Libertarianism without Foundations » (1975) 85:1 The Yale Law Journal 136 aux pp.144-145.
[14] R. c. Oakes , [1986] 1 R.C.S. 103 au para.65, j. Dickson (pour la
majorité). Voir aussi Thomas Nagel, « Libertarianism without Foundations »
(1975) 85:1 The Yale Law
Journal
136 aux pp.142, 144-145, 146.
[15] Gosselin c. Québec (Procureur général), [2002] 4 R.C.S. 429 au
para.355, j. Arbour (dissidente).
[16] R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30 au para.224, j. Wilson (pour la
majorité) ; Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.201, j. McLachlin
(dissidente). Voir aussi Oscar Schacter, « Human Dignity as
a Normative Concept » (1983) 77:4 The American Journal of International Law 848
à la p.851.
[17] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697
au para.61, 90, 92 et 137, j. Dickson (pour la majorité) ; Thomson
Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877 au
para.92, j. Bastarache (pour la majorité). Sur la propagande
haineuse voir aussi : Canada (Commission des droits de la
personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892 aux paras.41 et 45, j. Dickson (pour
la majorité).
[18] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697
au para.92, j. Dickson (pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du
district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.90, j. La
Forest (pour la Cour).
[19] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697
au para.92, j. Dickson (pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du
district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.89, j. La
Forest (pour la Cour).
[21] Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1
R.C.S. 825 au para.90, j. La Forest (pour la Cour).
[31] Victor V.
Ramraj, « Keegstra, Butler, and positive liberty : a glimmer of hope for the
faithful » (1993) 51:2 U. Toronto Fac. L. Rev. 304 à la
p.323-325 (voir aussi p.310).
[32] Victor V.
Ramraj, « Keegstra, Butler, and positive liberty : a glimmer of hope for the
faithful » (1993) 51:2 U. Toronto Fac. L. Rev. 304 à la p.324.
[34] Québec (curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital
St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211 au
para.104, j. l'Heureux-Dubé (pour la Cour).
[35] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.49, 93 et
105, j. Lamer (pour la majorité) et au para.126, j. Wilson (dissidente).
[36] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.126, j.
Wilson (dissidente).
[37] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.13, j.
Dickson (pour la majorité) et au para.89, 98 et 107, j. Lamer (pour la
majorité).
[38] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.96, j.
Lamer (pour la majorité).
[39] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.95, j.
Lamer (pour la majorité).
[40] En revanche, selon le juge Dickson, l'objectif d'empêcher que
des jeunes personnes vulnérables ne soient exposées à la prostitution ne fait
pas partie de l'objectif législatif : Renvoi relatif à
l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.2, j. Dickson
(pour la majorité).
[41] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.98, j.
Lamer (pour la majorité) et au para.125, j. Wilson (dissidente). Selon la juge
Wilson, la prostitution est effectivement une façon dégradante pour les femmes
de gagner leur vie : Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c)
du code criminel (Man.), [1990] 1
R.C.S. 1123 au para.126, j. Wilson (dissidente).
[42] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.95, j.
Lamer (pour la majorité).
[43] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.96-97, 98
et 107, j. Lamer (pour la majorité).
[44] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.96, j.
Lamer (pour la majorité) et au para.125, j. Wilson (dissidente).
[45] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.95, j.
Lamer (pour la majorité).
[46] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.96, j.
Lamer (pour la majorité) et au para.125, j. Wilson (dissidente).
[47] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.126, j.
Wilson (dissidente).
[52] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.96, j.
Lamer (pour la majorité) et au para.125, j. Wilson (dissidente).
[53] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.95, j.
Lamer (pour la majorité).
[54] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.98 et 105,
j. Lamer (pour la majorité).
[55] Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.),
[1990] 1 R.C.S. 1123 au para.95, j.
Lamer (pour la majorité). Voir aussi Renvoi relatif à l'art. 193 et à
l'al. 195.1(1)(c) du code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 au para.2, j. Dickson (pour la majorité).
[56] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.49, 82, 88 et 92, j.Sopinka (pour
la majorité) ; Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général),
[1998] 1 R.C.S. 877 au para.92, j. Bastarache (pour la majorité).
[66] R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 au para.49, 82, 88 et 121, j.Sopinka (pour
la majorité) et au para.158, j. Gonthier (pour la majorité).
[75] Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307 au para.86, j. Bastarache (pour la majorité).
[76] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.136-137, j.
Sopinka (pour la majorité) ; Rodriguez c. Colombie-Britannique
(Procureur général), [1993] 3 R.C.S.
519 au para.200, j. McLachlin (dissidente).
[77] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.137 et 175, j.
Sopinka (pour la majorité).
[78] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.147, j. Sopinka
(pour la majorité).
[79] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.140, 148-149 et
174, j. Sopinka (pour la majorité). Voir aussi Rodriguez c.
Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.186, j. Sopinka (pour la majorité) ; R.
c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au
para.45, j. Dickson (pour la majorité).
[80] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.137, j. Sopinka
(pour la majorité).
[81] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.150, j. Sopinka
(pour la majorité).
[82] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.150, j. Sopinka
(pour la majorité) au para.197 et 200, j. McLachlin (dissidente) au para.231,
j. Cory (dissident).
[83] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.129, 140, 148-149
et 174, j. Sopinka (pour la majorité).
[84] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.129, 140, 148-149
et 174, j. Sopinka (pour la majorité).
[85] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.129, j. Sopinka
(pour la majorité).
[86] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.168, j. Sopinka
(pour la majorité).
[87] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.173, j. Sopinka
(pour la majorité).
[88] A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille, [2009]
2 R.C.S. 181 au para.137, j. McLachlin (motifs concordants).
[89] A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille, [2009]
2 R.C.S. 181 au para.137, j. McLachlin (motifs concordants).
[90] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.137, j. Sopinka
(pour la majorité).
[91] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.150, j. Sopinka
(pour la majorité).
[92] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.150, j. Sopinka
(pour la majorité).
[93] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.129, 140, 148-149
et 174, j. Sopinka (pour la majorité).
[94] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.129, 140, 148-149
et 174, j. Sopinka (pour la majorité).
[95] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.168, j. Sopinka
(pour la majorité).
[96] Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au para.173, j. Sopinka
(pour la majorité).
[97] À l'exception de deux catégories problématiques de matériel : R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.110, j. McLachlin
(pour la majorité).
[103] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au
para.213 et 242, j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents).
[104] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au
para.92, j. McLachlin (pour la majorité) ; R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au para.158, 213 et 242,
j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents).
[106] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au
para.242, j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents).
[107] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au
para.158, j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents).
[108] R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 au
para.158, 213 et 242, j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents).
[109] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.124, j.
McLachlin et Major (pour la majorité).
[110] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.153, j.
McLachlin et Major (pour la majorité).
[111] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.130, j.
McLachlin et Major (pour la majorité).
[112] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.152, j.
McLachlin et Major (pour la majorité).
[113] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.159, j.
McLachlin et Major (pour la majorité).
[114] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.45, j.
Deschamps (pour la majorité).
[115] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.99-100,
j. Deschamps (pour la majorité).
[116] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.242,
256-257 et 265, j. Binnie et Lebel (dissidents).
[117] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.273, j.
Binnie et Lebel (dissidents). Pour une signification des termes « valeurs démocratiques,
ordre public et bien-être général du public », voir Chiasson et Commission des droits de
la personne du Québec c. Centre d'accueil Villa Plaisance, [1995]
J.T.D.P.Q. no 35 au para.68-71.
[118] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.168 et
235, j. Binnie et Lebel (dissidents).
[119] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.241, j.
Binnie et Lebel (dissidents).
[120] Préambule de la
Charte québécoise. Voir aussi Québec (curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital
St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211 au
para.100, j. l'Heureux-Dubé (pour la Cour).
[121] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.277, j.
Binnie et Lebel (dissidents).
[122] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665 au para.34, j.
l'Heureux-Dubé (pour la Cour) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 142006
Canada inc. (Caverne grecque), [2012] J.T.D.P.Q. no 14 au para.50.
[123] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para.269 et
273, j. Binnie et Lebel (dissidents). Comme l'affirmait les juges Iacobucci et
Cory (dissidents) dans l'arrêt R c. Zundel, l'intérêt public consiste notamment
à préserver et à promouvoir les valeurs d'égalité, de liberté et de dignité
humaine : R. c. Zundel, [1992] 2 R.C.S. 731 au para.148, j. Iacobucci et Cory
(dissidents).
[124] Micheline
Patenaude, Droits et libertés de la personne : Guide d'étude (à lire
avant de commencer l'étude), 2e
ed., Sainte-Foy, Presses de l'Université Laval, 2000 à la p.16. Dans l'arrêt Gosselin c. Québec (2002), le juge Bastarache (dissident) soulignait
qu'une interprétation téléologique de la Charte est
influencée par une préoccupation dominante pour la dignité humaine : Gosselin c. Québec (Procureur général), [2002] 4 R.C.S. 429 au
para.214, j. Bastarache (dissident).
[125] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para. 274,
275, 277 et 278 j. Binnie et Lebel (dissidents).
[126] Voir, par
exemple, la définition de la dignité humaine dans l'arrêt Law c. Canada : Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1
R.C.S. 497 au para.51, j. Iacobucci (pour la Cour). Dans l'arrêt R. c. Salituro
(1991), le juge Iacobucci (pour la Cour) affirmait ceci : « Si nos attentes à
l'égard d'une société fondée sur le respect de la dignité de la personne
humaine doivent avoir un sens, nous devons encourager et protéger toutes les
personnes, dans l'exercice de leurs droits et de leurs responsabilités en tant
que membres égaux de notre société » :
R. c. Salituro, [1991] 3 R.C.S.
654 au para.52, j. Iacobucci (pour la Cour).
[127] L'article
36(1)(c) de la partie III de la loi constitutionnelle de 1982 précise que « les
gouvernements fédéral et provinciaux s'engagent à : (...) c) fournir à tous les Canadiens, à un niveau de qualité
acceptable, les services publics essentiels » [nos italiques]. À ce sujet, voir
Commission de réforme du droit du Canada, Le statut juridique de l'administration
fédérale, Document de travail 40, Ottawa, Commission de réforme du droit du
Canada, 1985 à la p.44.
[128] Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791 au para. 274,
j. Binnie et Lebel (dissidents).
[129] Plusieurs
arrêts antérieurs de la Cour suprême du Canada insistent sur l'interprétation
téléologique des Chartes : « Lorsque
les tribunaux interprètent et appliquent la Charte, ils doivent veiller à ce
qu’elle ne devienne pas simplement l’instrument dont se serviront les plus
favorisés pour écarter des lois dont l’objet est d’améliorer le sort des moins
favorisés » : R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713
au para.141, j. Dickson (pour la majorité) ; Slaight Communications Inc. c.
Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038 au para.16, j. Dickson (pour la majorité) ; R.
c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154 au para.170-173, j. Cory et
l'Heureux-Dubé (pour la majorité) ; Ross c. Conseil scolaire du district no 15
du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825 au para.86, j. La Forest (pour la
Cour) ; R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S.
45 au para.133, j. l'Heureux-Dubé, Gonthier et Bastarache (dissidents). Voir
aussi Beverley McLachlin, « The Charter 25 years later : the good, the bad, and
the challenges » (2007) 45:2 Osgoode Hall Law Journal 365 à la p.375.
L'importance d'assurer un équilibre entre les droits civils et politiques et
les droits économiques, sociaux et culturels est garanti par l'article 26 de la
Charte canadienne : Commission de réforme du droit du Canada, Le statut juridique de l'administration
fédérale, Document de travail 40, Ottawa, Commission de réforme du droit du
Canada, 1985 à la p.45.
[130] Victor V.
Ramraj, « Keegstra, Butler, and positive liberty : a glimmer of hope for the
faithful » (1993) 51:2 U. Toronto Fac. L. Rev. 304 aux pp.324-325.
[131] Victor V.
Ramraj, « Keegstra, Butler, and positive liberty : a glimmer of hope for the
faithful » (1993) 51:2 U. Toronto Fac. L. Rev. 304 aux pp.324-325.
[132] Caroline Hodes,
« Dignity and the conditions of truth : what equality needs from Law » (2007) 19 Can. J. Women & L. 273 à la p.275.
[133] Victor V.
Ramraj, « Keegstra, Butler, and positive liberty : a glimmer of hope for the
faithful » (1993) 51:2 U. Toronto Fac. L. Rev. 304 à la p.329.
L'égalité est l'une des valeurs centrales de la Charte canadienne et occupe une place centrale dans l'analyse de
son article 1 : R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 au para.75-76, j. Dickson (pour la majorité).
[134] James Hendry, «
Section 7 and social justice » (2009-2010) 27 N.J.C.L. 93 la p.106.
[135] Andrew Petter, « Canada's Charter Flight : Soaring Backwards into the Future » (1989) 16:2
Journal of law and society 151 aux pp.152 et 161 ;
Andrew Petter, «
Wealthcare : The Politics of the Charter
Re-visited », in Colleen M. Flood, Lorne Sossin and Kent Roach, dir., Access to Care, Access to Justice : The Legal
Debate Over Private Health Insurance in Canada, Toronto, University of
Toronto Press, 2005 à la p.128 ; François Rocher
et Daniel Salé, « Charte et société : vers un nouvel ordre politique canadien ?
» (1991) 20 Politique 35 aux pp.56-57 et 60.
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